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OLIVIER Torrente

Revue de presse d’octobre

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La revue de presse est une sélection non exhaustive d’articles dans le domaine des finances alternatives (éthique, solidaire, durable, responsable, etc.) au cours du mois.

N’hésitez pas à signaler d’autres articles qui méritent selon vous d’être cités

A/ Un état des lieux chiffré sur la finance solidaire

Mots-clés : Finansol, Etat des lieux, Chiffres

B / Le développement de nouvelles formes de financement à l’économie sociale et solidaire

  • nouveau soutien de Bpifrance (garantie de prêts notamment)
  • la finance participative
  • le capital-investissement, dont l’impact investing
  • les obligations indexées sur des résultats sociaux

Mots-clés : ESS, social impact bonds, impact investing

C/ Un chat animé par la RTBF entre Bernard Bayot, du Réseau Finance Alternatif en Belgique, qui dialogue avec des internautes sur la réappropriation du système financier par les citoyens

Mots- clés : Système financier, citoyen

D/ Une étude d’un cabinet de conseil qui a travaillé avec des étudiants sur la banque de 2020, qui met notamment en exergue la volonté de transparence et de contrôle des usagers sur l’institution financière à travers le modèle de la coopérative

Mots- clés : Banque coopérative, prospective, transparence,

E/ La création d’une banque coopérative en Israël, qui ne compte plus de telle institution depuis 1957

Mots- clés : Banque coopérative

F/ Le mouvement américain Occupy Wall Street lance une coopérative de services financiers, avec le lancement d’une carte de paiement

Mots- clés : Banque coopérative, Politique, militant, Occupy wall street, coopérative

G/ Un rapport qui pose la question de la définition de l’utilité sociale et de sa mesure par des indicateurs pertinents.

  • Une question particulièrement importante lorsque l’on souhaite définir la finance éthique, durable, responsable, etc.

Mots- clés : Utilité sociale, indicateurs, critères

H/ L’ESC Rennes, en partenariat avec la Caisse d’Epargne locale, travaille sur la création d’un livret d’épargne territorial, qui financerait les entreprises locales avec plus de transparence

Mots- clés : Territoire, Local, Transparence

I/ Des articles sur la finance islamique

Mots-clés : Finance islamique, religion, finance éthique, régulation, concurrence

J/ Plusieurs articles autour de l’ISR à l’occasion de la semaine de l’ISR (14 au 21 octobre) organisée pour la 4ème année consécutive par le Forum pour l’investissement responsable

  • L’ISR reste peu connu (62% des français ne le connaissent pas), les banquiers ne le proposent pas (2% des français ont reçu une proposition), mais la conférence bancaire pour la transition énergétique organisée par le gouvernement lors du printemps 2014 pourrait en faire un outil majeur de son financement investissements
  • La nouveauté est constituée par un e-mail pré-écrit de demande de renseignements réutilisable par les particuliers vis-à-vis de leur conseiller bancaire.

Mots-clés : ISR, régulation, fiscalité, transition énergétique, gouvernement

K/ Un article suisse avec un regard sur l’ISR plutôt financier, comparant les caractéristiques de l’ISR en termes de rendement et d’horizon de détention d’investissement.

  • Il n’existe pas de certification commune ou de label ce qui freine le développement du secteur.
  • Les entreprises sélectionnées dans les démarches ISR sont intéressantes car elles anticipent les défis du futur (changement climatique, rareté des ressources, etc.) et bénéficient ou bénéficieront donc d’un avantage compétitif

Mots-clés : ISR, avantage compétitif, Suisse

L/ Un article belge sur le succès des fonds ISR en Belgique, portés par des performances semblables ou supérieures aux fonds classiques

Mot-clé : ISR, Belgique

M/ Un article de présentation de la Nef par le labo de l’ESS

Mots- clés : La Nef

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Revue de presse de septembre

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La revue de presse est une sélection non exhaustive d’articles dans le domaine des finances alternatives (éthique, solidaire, durable, responsable, etc.) au cours du mois.

N’hésitez pas à signaler d’autres articles qui méritent selon vous d’être cités

Ce mois-ci nous retenons en particulier des articles sur :

  1. Des acteurs et initiatives de finances alternatives :
    1. Un acteur de la finance éthique et solidaire, la Nef
    2. Une nouvelle initiative originale d’Investissement Socialement Responsable qui incorpore des éléments de finance solidaire et de micro-crédit.
  2. Des prises de positions :
    1. Bernard Bayot, du Réseau de financement alternatif (RFA) en Belgique
    2. Finance Watch sur l’utilité sociale du système financier
    3. Le journal l’Humanité qui relaie une critique du fonctionnement des banque coopératives par Gilles Caire
  3. Deux articles sur l’ISR à propos de la multiplicité des labels existants et de l’évolution vers un label unique
  4. Trois articles sur la finance participative :
    1. Bpifrance lance un portail pour tous les projets
    2. Un article sur les scénarios de développement de la finance participative en France et en Europe
    3. Un article provocateur sur la comparaison des compétences d’évaluation des risques entre investisseurs particuliers et banquiers via une étude sur les plateformes de finance participative
  5. Des articles de réflexion sur l’éthique et l’argent :
    1. Une série de trois articles sur le blog de La Croix « Doctrine sociale »
    2. La publication d’un nouveau livre sur la finance socialement responsable par des philosophes spécialistes en éthique appliquée
  6. Deux articles sur les initiatives de l’ONU avec les bourses pour améliorer le reporting social et environnemental des entreprises au niveau mondial

 

Titre

Thèmes et mots-clés
1 Un acteur de la finance éthique et solidaire, la Nef Finance éthique, finance solidaire, réflexion sur l’argent
2 Une nouvelle initiative originale d’Investissement Socialement Responsable qui incorpore des éléments de finance solidaire et de micro-crédit. Acteur, initiative, ISR, finance solidaire
3 Bernard Bayot, du Réseau de financement alternatif (RFA) en Belgique ISR, label, transparence, éthique,  Prise de position
4 Finance Watch sur l’utilité sociale du système financier Politique, Régulation, Utilité sociale, Prise de position
5 Le journal l’Humanité qui relaie une critique du fonctionnement des banque coopératives par Gilles Caire Prise de position, étude, initiative, gouvernance, banque coopérative
6 Deux articles sur l’ISR à propos de la multiplicité des labels existants et de l’évolution vers un label unique ISR, label, Novethic
7 Une étude de Novethic sur l’Investissement Socialement Responsable, montrant les actions, limites et perspectives des actionnaires pour changer le comportement des multinationales, notamment après l’affaire du Rana plaza.
8 Bpifrance lance un portail pour tous les projets Finance participative, Bpifrance
9 Un article sur les scénarios de développement de la finance participative en France et en Europe Finance participative, scénarios, prospective
10 Un article provocateur sur la comparaison des compétences d’évaluation des risques entre investisseurs particuliers et banquiers via une étude sur les plateformes de finance participative Finance participative, utilité sociale
11 Une série de trois articles sur le blog de La Croix « Doctrine sociale » Finance éthique, christianisme, religion, réflexion sur l’argent
12 La publication d’un nouveau livre sur la finance socialement responsable par des philosophes spécialistes en éthique appliquée Finance éthique, finance solidaire, finance socialement responsable, réflexion sur l’argent
13 Deux articles sur les initiatives de l’ONU avec les bourses pour améliorer le reporting social et environnemental des entreprises au niveau mondial ONU, reporting, Bourses

 1/ L’article sur la Nef de Martin Bernard (voir notre propre article ici)

Il déplore notamment le fait que les initiatives comme la Nef ne bénéficient pas de plus d’attention de la part des médias, ce que nous partageons. Il propose également une lecture attentive des statuts sur la vision de la Nef qui est très instructive.

Pour ceux qui iront lire l’article, nous avons mis en commentaire deux précisions pour compléter l’article et préciser un élément qui ne nous semblait pas justifié.

2/ Le lancement de Funds For Good en Belgique :

Composée d’une SICAV (société d’investissement à capital variable) classique

Un engagement sur l’honneur a été pris de ne pas investir dans l’armement, ni dans les matières premières agricoles, ni dans l’eau ou d’autres actifs cyniques. Le label Ethibel est chargé de vérifier chaque année le respect de la charte philanthropique du fonds.

Une partie des bénéfices réalisés sur les frais de gestion et de distribution de la sicav est reversée à un fonds d’investissement abrité à la Fondation Roi Baudouin, Generation For Good, dont le rôle est de financer des activités dans la santé, l’éducation et l’entrepreneuriat.

Sur la partie entrepreneuriat, Generation For Good passe par Microstart, un institut de microcrédit belge. Funds For Good permettra aux clients de Microstart de bénéficier, outre d’un prêt classique soumis aux intérêts, d’un prêt d’honneur (sans garantie et à taux 0) qui lui est assorti jusqu’à 50 % du montant du prêt classique.

3/ L’entretien de Bernard Bayot, directeur depuis 2004 du Réseau de financement alternatif (RFA) en Belgique

Il n’existe pas de garantie que les fonds de placement ISR ou solidaires (qui reversent une partie des gains à des associations, comme Funds For Good ci-dessus) placent les fonds dans des entreprises aux effets sociaux et environnementaux négatifs (armement, etc.).

RFA souhaite un label public pour le faire, et a même fait une proposition de loi en 2006, reportée suite aux crises gouvernementales en Belgique.

A défaut, RFA a constitué une base de données des produits financiers socialement responsables (300 en Belgique), notés par l’association et disponible sur le site de Financité.

4/ L’ONG Finance Watch lance une campagne pour appeler à de vrais changements dans le secteur financier et mobiliser les citoyens européens. (Novethic)

Un entretien avec Finance Watch sur sa campagne de communication pour montrer, à l’occasion du 5eme anniversaire de la crise, que l’inflation de règlementations qui a suivi n’a pas permis de remettre la finance au service de la société.

5/ Les assemblées générales des banques coopératives sont loin des principes démocratiques écrits dans les statuts

Plusieurs exemples des dérives de la démocratie coopérative dans les banques comme le Crédit Agricole, tirés en parti d’une étude de Gilles Caire de l’université de Poitiers. L’exemple d’une tentative de changement démocratique mené par un entrepreneur dans une caisse locale rend l’article encore plus intéressant.

6/ Les initiatives de label ISR se concurrencent, ce qui pourrait amener à un label unique mené par les pouvoirs publics

Lien 1 et Lien 2

L’offre ISR est constituée par des approches différentes selon les sociétés de gestion, qui elles-mêmes ne sont pas toujours transparentes quant à leurs placement.

« Nous n’agrégeons même plus les données de l’ISR à l’échelle de l’Europe car cela revient à additionner des choux et des carottes », renchérit Anne-Catherine Husson-Traoré, directrice générale du centre de recherches Novethic

Plusieurs labels et définitions sont donc présents sur le marché :

  • Le label référence de Novethic, filiale de la Caisse des Dépôts. Certains acteurs comme Amundi l’ont critiqué, refusent de participer au classement, et cherchent à obtenir d’autres manières d’être légitimes, comme la certification Afnor « engagement de service – démarche ISR ».
  • La définition de l’ISR de l’Association française de gestion, en liaison avec le FIR (Forum pour l’investissement responsable)
  • Dans l’épargne salariale, c’est le Comité intersyndical de l’épargne salariale (CIES) qui labellise les fonds répondant à ses propres critères.

Le rapport Brovelli-Drago-Moliné remis en juin propose de créer un label « unique et enrichi » défini avec les pouvoirs publics.

7/ Une étude de Novethic sur l’Investissement Socialement Responsable, montrant les actions, limites et perspectives des actionnaires pour changer le comportement des multinationales, notamment après l’affaire du Rana plaza.

8/ Bpifrance soutient la finance participative

Bpifrance lance le portail « Tousnosprojets.fr », qui agrège l’ensemble des projets, entrepreneuriaux ou non, faisant appel aux internautes pour être financés.

9/ Financement participatif

Un article proposant des scénarios sur le développement du financement participatif en France et en Europe, selon les options prises par le gouvernement français en matière de régulation française et européenne.

10/ Financement participatif

Un article de Paul Seabright de l’Ecole d’économie de Toulouse sur le financement participatif. A la suite d’une étude (non encore publiée) montrant que les prêteurs d’un site de financement participatif pour des prêts aux particuliers (Prosper.com) prédiraient mieux le risque que les banques, l’auteur pose la question de la pertinence des banques comme intermédiaire privilégié du système financier, surtout après les risques pris et matérialisés lors de la dernière crise.

11/ La série de 3 articles parus sur le blog du journal la Croix « Doctrine sociale », à propos des dernières publications sur le regard chrétien sur la finance

Lien 1, Lien 2, Lien 3

12/ Publication d’un nouveau livre sur la finance socialement responsable

André Lacroix, Allison Marchildon, coll. de Louise Campeau, Quelle éthique pour la finance? Portrait et analyse de la finance socialement responsable, Québec, Les Presses de l’Université du Québec, 2013, 252 p.

13/ De nouvelles bourses rejoignent l’initiative de l’ONU « sustainable stock exchange »

Lien 1, Lien 2

Cette initiative lancée en 2008 cherche à inciter les entreprises clientes des bourses de réaliser un meilleur « reporting » sur les questions sociales et environnementales. L’objectif à terme est de faire de ce reporting un préalable à toute entrée en Bourse. Aucun moyen  n’est malheureusement défini pour y arriver.

Triodos, une banque durable

By | La finance éthique concrètement | No Comments

Parfois, une image vaut plus qu’un long discours, alors voilà ce que la finance éthique pratiquée par la banque Triodos permet d’offrir à ses clients : on finance tel projet, à tel endroit.

Source : http://www.triodos.be/fr/la-banque-triodos/votre-epargne-a-la-trace/

Triodos, une banque durable européenne née aux Pays-Bas

La fondation Triodos est créée en 1971 dans le but de collecter des dons pour financer des projets innovants et durables, et obtient en 1980 l’agrément bancaire lui permettant de créer une nouvelle structure, Triodos Bank.

Sa croissance lui a permis de persifier ses activités au niveau sectoriel (immobilier durable, micro-finance, énergies renouvelables, commerce équitable, etc.) et géographique (Belgique, Royaume-Uni, Espagne, Allemagne)

Elle s’adresse aux particuliers et professionnels avec une offre très simple et n’a pas recours aux marchés financiers pour se refinancer (elle prête ce que lui permet sa base de dépôts).

Triodos est probablement le plus grand établissement respectant à la fois la transparence du circuit financier et un engagement éthique

  • 5 Milliards d’Euros de bilan
  • 3,2 Milliards d’Euros de prêts
  • 437 000 clients

Source : rapport annuel 2012

La transparence et l’argent au service des valeurs font partie des principes fondamentaux, mais pas la participation des usagers à la maîtrise de l’outil financier

Ces principes sont en lien avec l’anthroposophie, un courant de pensée développé par Rudolph Steiner, et qui a donné des applications dans le domaine de l’éducation (Ecoles Steiner) ou l’agriculture (bio-dynamie), et qui est aussi à l’origine de la Nef.

  • Financement d’activités respectueuses des hommes, de leur environnement et de leur culture
  • La transparence du circuit financier, à travers notamment une carte interactive localisant et décrivant les projets financés (voir ci-dessus)
  • L’excellence du service rendu
  • Le soutien à l’entrepreneuriat
  • Le profit comme moyen et non comme fin : optimisation mais non maximalisation du profit, c’est-à-dire parvenir à satisfaire l’ensemble des parties prenantes (salariés, épargnants, emprunteurs, société civile, actionnaires)
    • Concrètement, il n’y a pas de bonus à la performance incitant à maximiser la rentabilité
  • Le maintien d’un rapport de 1 à 10 des salaires dans l’entreprise
  • Compenser l’empreinte carbone de la banque à 100% (il me semble qu’il s’agit de l’empreinte directe de la banque et non celle liée aux financements réalisés)

On y retrouve deux des piliers de la finance éthique vus chez les Cigales ou la Nef : la transparence et l’argent au service de ses valeurs.

Par contre, la participation des usagers à la maîtrise de l’outil financier n’est pas réellement présent, car Triodos n’est pas une coopérative mais une société anonyme, dont les actions sont détenues par la SAAT (Stichting Adminstratiekantoor Aandelen Triodos Bank) qui regroupe les fondateurs de la banque.

Pour lever des fonds, la SAAT émet des certificats d’actions de la banque, qui donne des droits de vote restreints. Cela permet aux fondateurs de se protéger d’un rachat et d’un changement de culture qui y serait associé. Ainsi, au-delà de certains seuils de certificats d’actions, les droits de vote n’augmentent plus. C’est un intermédiaire entre la société anonyme pure où 1 action égale 1 voix, et le modèle coopératif où 1 personne égale 1 voix.

Lors de son intervention au séminaire cité plus bas, Olivier Marquet, directeur général de Triodos Belgique explique que les créateurs de Triodos ont étudié la meilleure forme juridique pour développer une banque éthique (au sens de transparente et au service de certaines valeurs). Le modèle coopératif était le plus courant, mais ils ont conclu que le meilleur modèle pour atteindre une taille importante, permettant de ne pas simplement être un acteur marginal mais d’avoir un vrai pouvoir de changer la société, était la société anonyme, l’argument principal étant la capacité à lever du capital massivement.

La finance éthique concrètement, ce sont des débats sur ce qu’est une bonne société

Un autre exemple illustre un des aspects les plus intéressants de la finance éthique. Une fois que l’on entre dans une démarche éthique, en défendant des valeurs, il faut pouvoir le mettre en pratique dans la réalité en finançant des projets qui y correspondent. Olivier Marquet parle de l’alcool, en expliquant que les hollandais souhaitaient interdire les brasseries des fonds d’investissement socialement responsable (ISR), car l’alcool est à bannir. Les belges ont eux rétorqué que les brasseries faisaient partie de la culture belge, et que de nombreuses petites brasseries belges avaient besoin de leurs financements, et qu’ils souhaitaient le faire. Finalement, les brasseurs ne sont pas exclus des fonds ISR s’ils n’ont pas de politique de communication agressive envers les jeunes.

L’ISR chez Triodos

Triodos a une quinzaine de salariés travaillant sur la notation extra-financière des 1 600 plus grandes cotations boursières mondiales. Leurs critères sont en général plus sévères que d’autres agences selon Olivier Marquet.

  • Fait intéressant, Triodos vend à d’autres banques ses listes d’entreprises responsables et irresponsables pour qu’elles proposent elles-aussi des fonds ISR.
  • Autre fait intéressant, et j’espère aussi y revenir dans un article sur l’engagement actionnarial, Triodos engage un dialogue avec les entreprises qu’elle note, celles-ci demandant comment elles peuvent s’améliorer afin de rentrer dans les actions éligibles à l’ISR.
    • exemple concret : il y a 7-8 ans, Triodos avait sélectionné Pepsi mais pas Coca-Cola dans les actions éligibles à l’ISR. Coca-Cola a appelé en demandant pourquoi, et s’est vu répondre que Pepsi avait arrêté d’utiliser du fréon (gaz toxique) dans les distributeurs de boisson. Coca-Cola aurait arrêté l’utilisation du fréon juste après.

Olivier Marquet explique par ailleurs que les investissements ISR (en actions côtées) ont une performance similaire aux actions « non-responsables ».

Triodos se cantonne aux métiers de base du banquier mais innove énormément

L’innovation en banque n’est donc pas nécessairement synonyme de produits dérivés et de formules mathématiques complexes, ou bien d’ordinateurs puissants permettant du trading haute-fréquence, mais de réponses à des enjeux de société:

  • 1990 : Lancement d’un Fonds commun de placement (FCP) pour la transition de l’agriculture vers le modèle biologique.

La densité aux Pays-Bas étant très forte, le modèle intensif avec épandage de pesticides nuisait directement aux habitants proches des champs. L’Etat ne pouvant pas financer les coûts de reconversion, Triodos a proposé de créer un FCP recueillant les investissements de particuliers, et prêtant aux agriculteurs en conversion. L’Etat ne payait qu’une fraction des sommes envisagées via un avantage fiscal pour les investisseurs et une bonification des prêts.

  • 1995 : Fonds de micro-finance
  • 2004 : Fonds immobiliers consacré aux bâtiments de bureau passifs ou à faible consommation
  • 2006 : FCP pour la rénovation des musées nationaux

Des prises de positions importantes

Triodos milite pour la séparation des banques de dépôts et des banques d’investissements, et tient un discours très original aux régulateurs : méfiez-vous des banquiers, ils veulent de l’auto-régulation mais si vous les laissez ils referont pareil! Triodos Belgique ne fait pas partie de l’association des banques belges par exemple.

Un autre élément de l’entretien avec Olivier Marquet m’a interpellé. Il y explique que selon les pays, Triodos ne finance pas la même part de projets écologiques, sociaux ou culturels. Par exemple, en Belgique, Triodos ne finance quasiment que des projets écologiques, car l’économie sociale est déjà bien servie par d’autres acteurs et qu’ils ne souhaitent pas leur faire concurrence. Au-delà de la possibilité d’un effet d’affichage, ou du fait que Triodos ne serait de toute façon pas compétitif, cela peut nous faire penser au développement des banquiers mutualistes ou coopératifs français dans le secteur de l’assurance (ou vice-versa), alors que des acteurs coopératifs et/ou mutualistes – participant donc en théorie à l’économie sociale et solidaire – sont présents de longue date. (Un point souligné par M. Abhervé et P. Dubois). Reste l’argument que cette concurrence accrue peut stimuler la concurrence et donc faire baisser les tarifs pour les sociétaires-usagers, argument évidemment recevable mais à relativiser dans un domaine où la coopération et la solidarité sont censées régner.

Par contre, étonnamment, la problématique des paradis fiscaux ne semble pas intéresser Triodos.

Une situation financière originale : liquidités abondantes, retour sur investissement limité mais stable

Triodos, dispose de critères de sélection des projets sévères et d’une politique de risque restrictive liée à la taille et la jeunesse de la banque. Cela implique un décalage structurel entre les ressources collectées (dépôts des particuliers) et le montant utilisé (les prêts débloqués). La banque ne se finance donc pas sur les marchés financiers et dispose d’une grande autonomie.

Par ailleurs, les dividendes sont limités à environ 5% de la valeur du certificat d’action, contre une attente située plutôt autour de 10% pour le secteur bancaire, afin de conserver les moyens de croître à un rythme rapide (objectifs de 20% par an). Toutefois, Olivier Marquet souligne que sur le long terme, le retour sur investissement n’est sans doute pas si éloigné, si on prend en compte l’effet de la crise. La chute des cours a compensé les importants dividendes reçus.

Liens avec la Nef

Lors de mon article sur la Nef, je parlais de la volonté de la Nef d’obtenir l’agrément bancaire. Une des possibilités offertes à la Nef était de devenir intermédiaire en opérations bancaires pour le compte de Triodos en France, afin d’agir comme une banque. Mais finalement l’option retenue a été de créer une Banque Ethique Européenne avec d’autres coopératives.

Triodos a annoncé son lancement en France en 2013 : les financements semblent pour l’instant limités aux grands projets (au-delà de 500 000 €). C’est donc une excellente nouvelle pour la finance éthique et les secteurs qu’elle finance principalement (énergies renouvelables, Economie Sociale et Solidaire, secteurs culturel et social, etc.)

Article basé sur le compte-rendu de l’intervention d’Olivier Marquet, directeur général de Triodos Belgique, lors du séminaire Roland Vaxelaire de la Majeure Alternative Management d’HEC, le 2/02/2011, et de la fiche sur Triodos transmise par la Nef

[La première version de cet article a été originellement publié le 25/02/2012 sur financeethique.blogspot.com]

La finance éthique concrètement : rejoindre la Nef, une banque éthique

By | La finance éthique concrètement | No Comments

L’expérience de la Cigales est très enrichissante, mais il faut bien avouer qu’elle est restreinte. Le capital-risque, c’est…risqué. Pas question de mettre toutes ses économies là-dedans. Où mettre le reste de son argent? Et sans même penser à son épargne, quelle banque choisir lorsque l’on est dans une démarche éthique?

En continuant mes recherches, je découvre la société financière de la Nef (Nef pour Nouvelle Economie Fraternelle). Les premiers principes de la finance éthique que j’identifie chez les Cigales (transparence, argent au service de ses valeurs et participation aux décisions) s’appliquent ici aussi.

Pour la transparence, la Nef fait simple et efficace. Elle publie chaque mois (dans une revue en ligne dédiée aux sociétaires qui demandent à la recevoir, « Correspondances ») et chaque année (dans un document disponible sur simple demande) la liste des prêts qu’elle a effectuée. Voici un exemple, avec les informations précises enlevées par mes soins.

A l’inverse des autres banques, je sais exactement où va mon argent. On évite l’effet « boîte noire » des institutions financières classiques, où le déposant met son argent dans des boîtes (compte chèque, livret d’épargne, etc.) sans savoir où il circule ni à quoi il sert.

Concernant les valeurs, il est plus simple de citer ce passage du site internet : « La Nef sélectionne les projets qu’elle finance en fonction de leur utilité écologique, sociale et/ou culturelle. Elle privilégie des initiatives qui visent le développement local de l’économie et choisit délibérément de n’encourager aucune action qui nuirait à la personne ou à l’environnement ».

Enfin, la Nef est une coopérative. Le principe « un homme égale une voix » (et non une action égale une voix) est donc appliqué, ce qui permet de participer à la gouvernance de la banque et d’être écouté par les dirigeants de la banque. C’est à mon sens le troisième principe de la finance éthique : la politique de l’argent, c’est à dire la participation aux décisions, la co-construction de l’outil financier qui manipule les flux d’argent.

Je reviendrai plus longuement sur cette participation à la gouvernance, mais j’en donne une illustration concrète. Chaque mois, le Groupe Local Ile de France, formé par les sociétaires intéressés par la participation à la gouvernance de la banque, se réunit. En ce moment [février 2012], on prépare :

  • le « séminaire de vie coopérative », qui nous permet de rencontrer au siège de la Nef les salariés, les dirigeants de la coopérative, et les autres sociétaires engagés, pendant 2 jours et demi. Un peu comme si un client de BNP Paribas intéressé par sa banque allait discuter avec Baudouin Prot, son Directeur Général.
  • notre contribution au plan d’entreprise à 3 ans. Un peu comme si ce même client de BNPP donnait son avis à Baudouin Prot sur le plan stratégique. Cela implique évidemment un élément essentiel, la compétence des sociétaires pour donner leur avis. D’où le travail d‘éducation populaire de la Nef et des sociétaires issus du monde bancaire pour expliquer à tous les autres comment la banque fonctionne, ses contraintes, ses marges de manoeuvre, ses options. Ceci passe notamment par des assemblées locales avant l’assemblée générale annuelle, des articles dans le vif-argent, et les compte-rendu des assemblées générales ou des groupes de travail, disponibles sur demande. Une manière de répondre concrètement à ceux qui pensent que la finance et l’économie c’est « trop complexe » pour les citoyens.

Pour être tout à fait précis sur le côté technique, la Nef est une société coopérative financière disposant d’un agrément pour effectuer des crédits d’une durée supérieure à 2 ans. Pour toute les opérations de banque au quotidien, elle a passé une convention avec le Crédit Coopératif, qui met à disposition ses agences et ses produits (Chéquiers, Carte Bleue, service bancaires par téléphone et internet, etc.) pour les clients de La Nef. Il est donc possible dès aujourd’hui d’accéder à une véritable alternative bancaire. Pour ceux qui critiquent les banques actuelles en leur laissant pourtant leur argent, le changement est donc possible!

Enfin, la Nef cherche à disposer d’un agrément bancaire de plein exercice, pour être autonome. Depuis plusieurs années, elle discute avec des coopératives de finance partageant les mêmes valeurs pour créer une Banque Ethique Européenne.

Depuis peu, les choses s’accélèrent, avec notamment l’annonce que la Nef devrait pouvoir offrir en toute autonomie l’ensemble des services bancaires (compte-chèques, cartes bleues, etc.) à partir de 2015

Alors, tentés ?

[La première version de cet article a été originellement publié le 13/02/2012 sur financeethique.blogspot.com]

La finance éthique concrètement : l’expérience d’un cigalier

By | La finance éthique concrètement | No Comments

Pour commencer la série « La finance éthique concrètement », je vais parler de ma première expérience réelle de finance éthique, qui a commencé fin 2008.

En me renseignant sur les mouvements liés au « développement durable », j’ai trouvé le site des CIGALES  (Club d’Investissement pour une Gestion Locale et Alternative de l’Epargne Solidaire). Je me suis donc rendu en novembre ou décembre à une réunion d’information animée par David Nicolet, un des piliers du mouvement en Ile de France. Quelques mois plus tard, après avoir assisté à 3 réunions, j’ai intégré la Cigales Pacha Mama.

Les Cigales, qu’est ce que c’est ?

Concrètement, entre 5 et 20 personnes mettent de l’argent tous les mois en commun dans le but d’investir au capital d’entreprises locales, la plupart en cours de création, qui s’insèrent dans l’Economie Sociale et Solidaire (énergies renouvelables, économies d’énergie, agriculture Bio, activités culturelles, personnes en réinsertion, etc).

A quoi ça sert ?

Une Cigales investit entre 1 000 € et 3 000 € par projet (plusieurs Cigales peuvent se joindre au même projet) et permet aux entrepreneurs d’obtenir plus facilement des prêts bancaires et des garanties/caution de la part de fonds spécialisés (France Active), en augmentant les fonds propres, et en montrant que d’autres personnes que le porteur, ses amis et sa famille croient au projet.
Par ailleurs, le fait d’avoir une Cigales à son capital permet de postuler à « Garrigue », une société coopérative de finance solidaire qui investit des montants plus importants (de l’ordre de 10 000€ à 30 000€).

Qu’est ce que j’en retiens ?

En pratique, mes 600 € personnels ont participé au financement d’une boulangerie employant des salariés en insertion (http://www.farinez-vous.com/ ), d’une librairie à La Courneuve (http://www.librairie-la-traverse.fr/ ), d’une entreprise de matériaux de construction écologiques (Bats Verts), etc.

Durant deux ans et demi, j’ai assisté à une quinzaine de réunions où un entrepreneur expose son idée et défend son projet. A part être tenu au courant des derniers développements du marché des couches lavables (http://www.apinapi.fr/catalog/ ), c’est une très bonne porte d’entrée pour connaître le tissu économique local et les problématiques que rencontrent les entrepreneurs. Si l’on veut soit même monter son entreprise dans le futur, c’est bien évidemment un poste d’observation très intéressant.

Surtout, cela m’a permis de rencontrer des personnes entreprenantes avec qui je partage la volonté de construire un monde plus conforme à mes valeurs, en particulier le respect de l’environnement et la solidarité. Je compte ici les entrepreneurs eux-mêmes, mais aussi les autres membres de la Cigales, qui permettent de se confronter à des visions différentes. Ça veut par exemple dire batailler sur l’opportunité de financer une librairie à La Courneuve avec une kiné, un officier de la marine ou un jeune retraité.

Enfin, je peux (i) savoir concrètement où passe une partie de mon argent, (ii) appuyer des entrepreneurs qui créent de la valeur ajoutée sociale et environnementale et (iii) participer activement aux décisions de l’outil financier (ici le club d’investissement)

La transparence, l’argent au service de ses valeurs, la capacité d’agir sur les outils financiers, voilà une première approche de ce qu’est la finance éthique selon moi.

[Cet article a été originellement publié en janvier 2012 sur financeethique.blogspot.com]

Compte-rendu de la conférence : « Changer les comportements des banques sur les territoires »

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Le 27 mars dernier a eu lieu une conférence organisée par le labo de l’ESS, sur le thème « Changer les comportements des banques sur les territoires », et animée par Philippe Frémeaux, d’Alternatives Economiques. Je vous en propose un compte-rendu en deux parties. Le compte-rendu officiel est disponible sur ce site. Voici la deuxième partie.

Dans la seconde partie, intitulée « Subversion par le bas pour un nouveau système financier, ou les conditions d’un changement d’échelle », 5 nouveaux orateurs étaient présents : Cédric Mignon (Directeur du Développement Banque du Développement Régional Caisse d’Epargne), Pascal Canfin, (député européen en charge des questions de règlementation financière au parlement européen, co-fondateur de l’ONG Finance Watch [désormais ministre de la coopération]), Hélène Combes, titulaire de la chaire du Développement durable et Territoires de l’école des Mines de Nantes ; Nicolas Hazard, président du Comptoir de l’Innovation, structure d’étude et de réflexion sur les financements innovants (lié au groupe SOS).

Qu’est-ce que j’en retiens ?

Le discours positif de Jean-Louis Bancel, qui a insisté d’une part sur le fait que la France est un pays riche avec beaucoup d’épargne et d’autre part que la finance solidaire est certes encore minoritaire mais a réalisé des progrès conséquents sur les dernières années.

Il a notamment indiqué qu’il fallait prendre l’initiative :

  • en appliquant concrètement des idées pour les appuyer dans le débat public, comme l’a fait le Crédit Coopératif en s’imposant une taxe Tobin volontaire appelée « Contribution volontaire sur les transactions financières ».
  • en cherchant à mobiliser plus de fonds pour financer des secteurs à haute intensité capitalistique. L’économie sociale et solidaire ne doit pas se contenter de « la pelle et du balai », en d’autres termes réparer les dégâts occasionnés par les autres acteurs économiques, en finançant les associations, l’insertion, etc.
  • en luttant contre les régulateurs européens sur certains points qui risquent de détruire les initiatives qui ne rentrent pas dans les cases standards, comme les acteurs vus ci-avant

Le discours incisif de Pascal Canfin, qui a parlé de son expérience de député européen, ce qui l’a amené à co-fonder l’ONG Finance Watch pour contrer le lobby des banques auprès des décideurs politiques.

Il a notamment fait 3 constats:

  • Les discussions sur l’encadrement des fonds spéculatifs en 2009 ont fait l’objet d’un lobbying massif des banques. Or personne ne venait avec des arguments différents de ceux des lobbyistes. L’information des députés était donc univoque
  • Les positions des banques mutualistes/coopératives sur la plupart des projets est la même que les grandes banques d’investissements : le Crédit Agricole milite avec Goldman Sachs pour éviter de réglementer les produits dérivés
  • Il n’y a en particulier pas d’équivalent de Greenpeace ou d’Amnesty pour la finance, d’où un appel trans-partisan pour créer Finance Watch

Les missions de Finance Watch sont :

  • Proposer une contre-expertise face aux lobbyistes bancaire. Son directeur est un ancien chargé des produits dérivés de BNP et UBS
  • Développer un contre-lobbying, avec un ex-avocat de Goldman Sachs
  • Communiquer au public des visions du monde différentes des économistes des banques:
    • Qu’est-ce qu’une banque ? Qu’est-ce que la finance?
    • Critique de la doctrine de la liquidité permanente par André Orléan par exemple

Il existe 3 leviers pour faire changer les choses :

  • L‘intérêt privé : le bilan de 20 ans de dérèglementations est que cela a bénéficié aux grandes banques d’affaires, pas aux banques mutualistes/coopératives qui se sont lancées dans les nouveaux marchés en retard et avec des échecs cuisants (Natixis, Calyon, etc.)
  • La responsabilité inpiduelle: il faut développer l’éducation populaire pour que les citoyens agissent, notamment avec leur argent
  • Les règlementations : interdire ou limiter ce qui est nuisible. Un des grands défis de cette partie est que les mutualistes/coopératifs ont les mêmes positions que les banques d’affaires comme Goldman Sachs. Cela pose la question de la gouvernance de ces banques, où certaines filiales (Banque d’investissement) ont pris le pouvoir sur les banques de détail régionales, leurs managers et les sociétaires-propriétaires.

Le discours défensif de Cédric Mignon, qui a mis en avant qu’il était très coûteux pour une banque de s’occuper des plus démunis, à cause du travail d’accompagnement, et qu’il lui fallait d’abord gagner de l’argent avant de le réinvestir dans ce type de projets. D’autre part, le métier de banquier est devenu industriel, impliquant une standardisation qui est néfaste pour les porteurs de projet avec peu de moyens.

Hélène Combes a développé l’idée qu’il fallait repenser la fonction bancaire, qui a un rôle « d’accoucheur de projets » mais aussi une délégation de service public via l’émission de monnaie.

Elle a aussi déploré le manque de prise de conscience sur le fait que les sociétaires ou clients étaient des fournisseurs essentiels pour les banques à qui ils louent leur argent.

Enfin elle soutient un droit à l’expérimentation bancaire, au contraire de la tendance à l’uniformisation des règlementations européennes.

Nicolas Hazard a lui expliqué qu’il se concentrait sur le problème du changement d’échelle des entreprises de l’ESS. Celles-ci ont besoin d’accompagnement, de compétences et de moyens financiers. D’où la création d’une société d’investissement avec 10 millions d’euros levés et un potentiel de 20 millions d’euros. L’approche est celle du « capital patient » (terme québécois), engagé sur la durée et qui n’attend pas des rentabilités de 15%/20% par an.

Cela me fait penser au fonds Sens co-lancé par la Nef via la société Nef Capital Ethique Management, lancé en 2008 et qui a le même objectif.

Parmi les questions du public, j’ai notamment retenu celle d’André Jaunay, fondateur de France Angels qui soutient notamment les initiatives des plateformes de financement participatif pour une règlementation adaptée. Il a déploré que l’ESS bouge peu sur ces sujets. Malheureusement, la question a été prise comme une simple volonté de désintermédier la finance et donc une attaque contre les banques (dont le Crédit Coopératif représenté par Jean-Louis Bancel)

Pourtant, les banques coopératives sont à mon sens les plus légitimes sur ces sujets, avec notamment le principe d’argent comme moyen dans le but de faire émerger les projets des sociétaires. Ainsi, une caisse du Crédit Agricole (même si les valeurs mutualistes du Groupe Crédit Agricole ont perdu de leur vigueur, voir ci-dessus), Pyrénées-Gascogne, est l’opérateur bancaire soutenant Friendsclear, le pionnier de la finance participative en ligne en France. D’autre part, la Nef, en partenariat avec Xetic, lance un pilote de sa plateforme en Rhône-Alpes, et SPEAR est déjà lancé.

Enfin, la conférence s’est terminée par le lancement d’une proposition par Claude Alphandéry (entre autres fondateur de France Active) d’une règlementation sur la transparence géographique des crédits octroyés par les banques. Il s’agit en fait d’importer et d’adapter le « Community Reinvestment Act » des Etats-Unis, qui impose que les banques publient la localisation et le montant des prêts dans différents quartiers pour éviter la discrimination des quartiers défavorisés. Un alter-mardi y a été partiellement consacré, un compte-rendu devrait suivre.

[Cet article a été originellement publié le 17/06/2012 sur financeethique.blogspot.com]

Compte-rendu de la conférence : « Changer les comportements des banques sur les territoires »

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Le 27 mars 2012 a eu lieu une conférence organisée par le labo de l’ESS, sur le thème « Changer les comportements des banques sur les territoires », et animée par Philippe Frémeaux, d’Alternatives Economiques. Je vous en propose un compte-rendu en deux parties. Le compte-rendu officiel est disponible sur ce site.

Dans la première partie, intitulée « Ils ont changé le paysage et veulent aller plus loin », 3 acteurs de la finance solidaire se sont présentés : Catherine Barbaroux (présidente de l’ADIE), Anne Florette, (Directrice Générale de France Active) et Jean-Pierre Worms, (Vice-président fondateur d’Initiative France). Voici ce que j’en ai retenu.

Que fait l’ADIE ?

L’ADIE est la principale association de micro-crédit en France. Elle prête à des entrepreneurs ne disposant pas des moyens de lancer leur activité (chômeurs, prestataires du RSA, etc.). Elle fait aussi des prêts d’honneur (à taux 0) pour aider les entrepreneurs à développer leurs entreprises. Ses ressources proviennent de la plupart des banques actives en France.

Ses chiffres clés :

  • 12 000 crédits octroyés en 2011, d’une durée comprise entre 18 et 24 mois, pour des montants entre 3 000 € et 6 000 €
  • 28 000 crédits en cours de remboursement, pour un encours de 55 millions d’euros

Qu’est-ce que je retiens de l’intervention?

Le modèle est structurellement déficitaire si l’on regarde seulement l’association mais il est très rentable pour la société dans son ensemble.

  • Le coût par prêt octroyé est supérieur à un prêt classique : en effet, il est nécessaire d’accompagner les porteurs de projets, plus que des entrepreneurs classiques. L’ADIE met ainsi à disposition un réseau de 130 antennes de proximité, animés par 450 salariés et 1 800 bénévoles.
  • Le chiffre d’affaires (intérêts versés par l’emprunteur) de chaque prêt est faible puisque les montants des prêts sont plus petits que les crédits classiques.
  • Cependant, d’après Catherine Barbaroux, le coût de retour à l’emploi via l’ADIE est de 2 000€ contre 17 000 à 20 000€ pour les dispositifs publics (selon un rapport de l’Inspection Générale des Finances)
  • Les collectivités locales ont donc fortement intérêt à aider l’ADIE, car elles versent par exemple le RSA. L’ADIE leur permet de faire des économies. Cependant, la non-coordination des collectivités locales engendre une surcharge de travail administratif importante : plus de 1000 conventions sont gérées chaque année.

Il y a encore beaucoup d’entrepreneurs qu’il faudrait aider, mais le micro-crédit n’est pas un outil miraculeux : tout le monde ne peut ni ne veut être un entrepreneur. L’INSEE estime que la population cible est comprise entre 150 000 et 180 000 personnes: il y a donc un potentiel important de développement.

Que fait France Active ?

France Active est un réseau d’accompagnement et d’aide au financement des entrepreneurs. D’autre part, elle collecte des ressources pour soutenir ces porteurs à travers des garanties de prêts bancaires et des prêts à taux préférentiels.

Chiffres clés :

  • 7 000 projets
  • 200m€ de financements garantis ou prêtés
  • Réseau : 40 Fonds territoriaux, 500 salariés, 2 000 bénévoles
  • Ressources :
    • Collectivités territoriales : 29%
    • Etat : 24%
    • Caisse des Dépôts et Fonds social européen : 19 % et 15 %
    • Autres partenaires, notamment privés : 13 %

Qu’est-ce que je retiens de l’intervention?

  • Il existe un fort potentiel de développement : 75% des créateurs ne sont pas accompagnés, les associations et entreprises solidaires représentent des potentiels pas assez utilisés
  • L’intérêt des banques pour la création d’entreprise a augmenté sensiblement depuis 2/3 ans
  • Il faut augmenter les liens entre la collecte d’épargne et les projets. Cela peut passer par le développement de produits montrant ces liens. On peut également penser à la finance participative.
  • Il n’y a pas de sélection des projets avec des critères sociaux ou environnementaux : le critère principal est de créer des emplois.

Que fait France Initiative ?

France Initiative a le même type d’activité que l’ADIE mais le fait avec un public un peu moins pauvre. Elle réalise principalement des prêts d’honneur (à taux 0 et sans garanties) qui permettent de capitaliser les entreprises (dont les deux tiers sont créées par des chômeurs) et attirer des emprunts bancaires

Chiffres clés 2010 :

  • 150 millions d’euros de financement, 17 000 entreprises financées, pour un montant de prêt moyen de 8 000 euros.
  • 2/3 de chômeurs parmi les entrepreneurs financés
  • Réseau d’accompagnement : 241 associations locales, 16 000 bénévoles
  • Les ressources proviennent majoritairement des collectivités locales. L’Etat, la Caisse des dépôts et d’autres partenaires privés complètent les financements.

Qu’est-ce que je retiens de l’intervention?

Jean-Pierre Worms a particulièrement insisté sur le fait que l’économie, ce n’est pas que de l’argent, c’est beaucoup de confiance et de relations. Les entrepreneurs réussissent beaucoup mieux lorsqu’ils sont accompagnés, soutenus. Plus généralement, il ne faut pas sous-estimer les relations de don/contre-don, au-delà des relations contractuelles et d’argent.

Encore une fois, le potentiel de développement pour des acteurs classiques est souligné.

  • Les freins principaux sont l’ignorance réciproque et la standardisation des process bancaires :
    • Les banques et les entrepreneurs modestes se connaissent mal, ce qui génère une méfiance. Deux tiers des entreprises ne sont pas bancarisées au bout de 3 ans
    • Les projets ne rentrent pas dans les cases des banques, car leurs critères sont trop rigides ou non adaptés
    • Le potentiel de rémunération pour les banques existe, mais principalement sur les services bancaires à l’entreprise, pas sur l’activité de prêt elle-même

Les propositions pour avancer :

  • améliorer la connaissance réciproque entre banques et porteurs de projets
  • augmenter la transparence de ce que font les banques avec les flux qu’elles manipulent : où collectent-elles l’argent ? où le redistribuent-elles ?

Commentaires

Ces acteurs montrent qu’aujourd’hui la finance solidaire n’est pas une finance éthique dans le sens où je l’ai entendu jusqu’à présent : pas assez de transparence, pas de choix de valeurs au-delà de la solidarité, et un aspect démocratique souvent absent.

  1. Ainsi, la transparence n’est pas un élément structurant. La directrice générale de France Active, Anne Florette, comme le vice-président de France Initiative Jean-Pierre Worms indiquent explicitement que c’est un manque, et qu’il faut développer des produits valorisant le lien entre les ressources financières et les projets.
    1. Ce n’est pas un problème de disponibilité de l’information, puisque ces acteurs travaillent justement à bien connaître leurs clients, et vont même jusqu’à faire des études d’impact social (ADIE). Les rapports annuels donnent d’ailleurs une partie des informations, en mettant en avant des témoignages d’entrepreneurs par exemple.
    2. C’est sans doute plus un problème de demande de transparence de la part des financeurs, qu’ils soient privés (les banques qui prêtent à l’ADIE, c’est-à-dire à peu près toutes les banques en activité en France) ou publics (les collectivités locales, l’Etat, le fonds social européen, la Caisse des Dépôts, etc.). Ce sont alors aux clients ou sociétaires (pour les banques) et aux citoyens (pour les établissements publics) de se manifester pour demander : d’où vient l’argent, et quels projets finance-t-il ? Cela pourrait d’ailleurs déboucher sur des produits en partenariat avec des institutions financières ou des plateformes de finance participative ou crowdfunding comme SPEAR.

     

  2. Paradoxalement, ces acteurs partagent la solidarité comme valeur commune (ils aident les plus démunis), mais ne demandent pas que les projets eux-mêmes soient solidaires ou porteurs de valeurs
      1. Ainsi, il n’y a pas de sélection des projets : toute activité légale semble encouragée, sans regarder si elle peut heurter le principe de solidarité ou d’autres valeurs. Il ne semble pas y avoir non plus de volonté d’améliorer les projets dans les dimensions sociales ou écologiques. Il est vrai que les porteurs font eux-mêmes partie des plus démunis. Une sensibilisation dans ce sens pourrait toutefois être souhaitable.
  3. Enfin, la capacité de maîtriser l’outil financier fait a priori défaut. Les emprunteurs notamment n’ont pas de capacité pour agir dans ces associations, et sont surtout dans une position d’aidés, de bénéficiaires. Côté financeur, les banques ou collectivités locales derrière ces acteurs ne semblent pas offrir d’informations ni de possibilité d’agir a priori.

Enfin, il existe un fort potentiel, souligné par les différents intervenants, auxquelles les banques ne s’intéressent pas assez. J’y ajoute la remarque qu’a faite Jean-Louis Bancel, président du Groupe Crédit Coopératif, lors d’une autre conférence (compte-rendu à venir : « Banque Ethique : antinomique ? ») : « il y a beaucoup à manger dans les poubelles des banques ».

[Cet article a été originellement publié le 4/05/2012 sur financeethique.blogspot.com]