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Régulation financière

Rapport de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) sur l’Investissement Socialement Responsable (ISR)

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L’Autorité des Marchés Financiers a publié un court rapport sur l’ISR (lien vers la version surlignée par Axylia, pour une lecture plus facile), dont on peut retenir

  • L’ISR est un « concept polymorphe et évolutif parfois difficile à appréhender »
  • « Malgré des efforts importants, le cadre français ne permet pas toujours à l’investisseur d’identifier pleinement les produits en adéquation avec ses besoins. »
    • L’AMF déplore le manque d’information et la qualité insuffisante de ces informations
  • « Des classes d’actifs particulières qui posent parfois la question de leur compatibilité avec une approche socialement responsable »
    • Par exemple, les matières premières, posant la question de la spéculation sur l’alimentation
  • « Des techniques de gestion parfois controversées dans un environnement responsable »
    • Par exemple, l’utilisation de dérivés, de CDS, ou le prêt/emprunt de titre à d’autres fonds pour augmenter ses gains, avec parfois l’impossibilité de voter à l’assemblée générale car on a prêté le titre durant cette période.
  • Le risque de greenwashing, certains fonds ISR étant quasiment identiques à des fonds non ISR :
    • « il est parfois possible de constater de grandes similitudes entre un portefeuille géré selon une démarche ISR et un portefeuille classique non ISR de même classification, et l’on pourra s’interroger sur la portée différenciante de certaines gestions ISR. »
  • En synthèse, voici les éléments repris dans la doctrine de l’AMF :

synthese rapport AMF ISR

 

Réguler les banques est indispensable pour protéger l’économie des restrictions de crédits qu’elles imposent après leurs déboires spéculatifs

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Nous nous intéressons à un deuxième article sur la régulation financière, écrit par Anton Korinek et Jonathan Kreamer. D’après celui-ci, le système financier est fait de telle façon que ses acteurs sont incités à prendre trop de risque pour gagner plus, ce qui provoque des externalités négatives (réduction du crédit brutale, crise, pertes d’emplois, etc.) pour toute la société. Il faut donc réguler le système financier de manière à atteindre un niveau de risque optimal pour la société.

Constat : 0,1% des ménages américains détient 25% de la richesse du pays, soit plus que les 90% de la population. Ce niveau d’inégalité est comparable à celui des années 20 qui ont précédé la Grande Dépression

Or une des principales sources de richesse des 0,1% est le secteur financier. Les articles sur le système financier se concentrent sur son efficacité et non se effets de distribution de la richesse.

Les pertes du secteur financier impliquent des coûts massifs sur l’économie entière, comme l’a illustré la crise de 2008: les banques ont brutalement arrêté de prêter, conduisant à des pertes de salaires et d’emplois très importantes

Pourtant, elles ne prennent pas en compte ces coûts lorsqu’elles décident des prêts qu’elles accordent. Elles prennent plus de risques qui est nécessaire pour un fonctionnement correct de l’économie, pour gagner plus d’argent

Ces externalités négatives impliquent qu’il faut réguler cette industrie, tout comme on régule les entreprises nucléaires pour qu’elles ne diminuent par leurs investissements dans la sécurité pour faire plus de profits : la société pâtirait énormément des « externalités négatives »

Le débat se concentre sur les sauvetages des banques avec l’argent public («bail-outs »), alors que les conséquences des politiques de crédit sont bien plus importantes économiquement

Le problème des sauvetages des banques n’est pas tant le transfert financier des contribuables vers les banques que l’encouragement à continuer à prendre des risques trop importants. De plus, interdire les bail-outs est difficile à imposer car cela peut aggraver les ruptures du crédit.

Que faire ?

Reconnaître qu’il existe un conflit de distribution de richesse entre le secteur financier et le reste de l’économie.

  • Il n’a jamais de niveau de risque idéal pour le secteur financier, car un niveau de risque augmenté permet une espérance de gains supérieure pour les agents financiers
  • En revanche, il existe un niveau de risque qui satisfait les autres secteurs économiques en assurant une production de crédits suffisante

Quels sont les facteurs qui incitent le secteur financier à prendre plus de risques au détriment de l’économie en général? :

  • Les sauvetages (« bail-outs ») des banques
  • Les innovations financières qui étendent les possibilités de prise de risque et peuvent contourner les régulations
  • La concentration du secteur financier incite à prendre plus de risque car le sauvetage est d’autant plus probable que l’on est gros (« Too Big To Fail »)
  • Les systèmes de rémunération asymétriques (« Pile je gagne, face tu perds ») : les agents financiers gagnent plus en prenant des risques qu’ils ne peuvent perdre.

Il faut donc réguler la prise de risque des banques :

  • En augmentant les niveaux de capital nécessaires pour prêter
  • Séparer les activités à risque (trading pour compte propre, etc.) des activités de financement de l’économie
  • Limiter les dividendes qui fragilisent le capital des banques
  • Réguler les systèmes de rémunération asymétriques

Les ONG anglaises proposent de réformer le système financier à l’occasion des élections de 2015

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Au Royaume-Uni, une campagne des ONG, à l’occasion des élections parlementaires de 2015, propose 5 axes pour transformer la finance et la remettre au service de l’intérêt général :

  • Diversité : utiliser l’autorité de la concurrence pour favoriser la croissance des alternatives aux banques actuelles, comme la Finance participative (crowdfunding) et les banques coopératives
  • Responsabilité : améliorer la régulation bancaire, avec notamment la participation du Royaume-Uni à la Taxe sur les Transactions Financières pour freiner la spéculation sur les marchés, en particulier celle liée au trading haute fréquence (achat et revente de titres par des ordinateurs dans des délais très courts, très inférieurs à la seconde)
  • Transparence : voter une loi pour améliorer le niveau d’information des épargnants sur les produits financiers et clarifier les responsabilités des institutions financières afin d’aligner leurs intérêts avec ceux des clients
  • Durabilité : faire de la « Green Investment Bank » une véritable banque d’Etat pouvant emprunter sur les marchés et investir à long-terme dans des projets d’infrastructure à forte utilité sociale mais faible rentabilité à court-terme, donc délaissées par les banques privées.
  • Démocratie : Mandater la Banque d’Angleterre pour étudier toutes les possibilités de mettre la création monétaire au service de l’intérêt général. La création monétaire a été largement utilisée par les banques centrales (« Quantitative easing » et différentes interventions « non conventionnelles »). Ces interventions ne sont pas neutres, elles influencent les marchés en favorisant l’inflation des actifs, donc la distribution des richesses dans la société. Il est essentiel de discuter politiquement de l’utilisation de cet outil politique qu’est la monnaie, dont la valeur dépend de sa reconnaissance par l’Etat.

 Commentaires : le débat sur la création monétaire est devenu très important ces dernières années, avec la prise de conscience de plus en plus grande que la monnaie était créée par le système bancaire privé, en accord avec la Banque Centrale de chaque pays. Laisser des acteurs privés, guidés par leurs intérêts individuels, et qui ont conduit à la crise de 2008, créer la monnaie de notre société paraît évidemment très dangereux, d’autant qu’aucune régulation d’envergure n’a changé la situation qui avait mené à cette crise.

Le sujet de l’allocation du crédit par des acteurs privés est un deuxième grand sujet, car il pose la question de ce qui doit être financé dans une société, et d’autant plus dans une situation critique au niveau écologique, avec le changement climatique. Continuer dans la situation qui est la nôtre implique de laisser des acteurs privés guidés par la maximisation de leurs rémunérations et/ou de celle de leurs actionnaires décider des projets, dont ceux qui accélèrent le changement climatique, qui seront financés. D’autre part, les solutions ne sont pas légions. Confier la création monétaire à des acteurs publics uniquement crée potentiellement d’autres problèmes, liés à la décision économique centralisée, à la corruption d’institutions publiques, etc. Le modèle français d’après-guerre, avec le secteur bancaire nationalisé et très réglementé, qui a accompagné les 30 glorieuses, ne doit toutefois pas le faire regarder comme une absurdité, surtout en comparaison du système actuel. Il reste alors a priori deux autres pistes, celle de la règlementation beaucoup plus forte d’un système qui resterait majoritairement privé comme actuellement (encadrer fortement la création monétaire avec un objectif discuté politiquement, séparation des banques de dépôts et d’investissements, limitation ou interdiction de certains produits purement spéculatifs sans utilité sociale – trading haute fréquence par exemple, etc.), ou le passage à un système de type coopératif ou paritaire, avec des banques détenues par les entreprises et les citoyens, décidant des politiques d’octroi de crédit par une discussion sur les besoins économiques et sociaux du pays.

Il est donc urgent d’engager ce débat fondamental sur la création monétaire. Nous essaierons d’y revenir rapidement.