Fiche de lecture : finance éthique, le grand malentendu, de Gaëtan Mortier (1)

Couv-Stimulo

Ce livre a été publié en 2013 dans la collection « Stimulo » par les éditions FYP, en collaboration avec l’Ecole ISG (Ionis Group). (Information : ce livre a été offert par Ionis Group)

L’auteur, Gaëtan Mortier, a été un analyste ISR reconnu dans une des principales agences de notation ISR américaines, d’où il a démissionné récemment. Il mène une action militante au sein de plusieurs collectifs : Sauvons les Riches, Génération Précaire, Jeudi noir, et est membre du conseil de surveillance de la Fondation pour l’écologie politique.

Nous vous proposons une fiche de lecture en plusieurs parties, le contenu étant relativement long. Une fiche de lecture au format pdf sera proposée via la newsletter à la fin du mois, avec la revue de presse mensuelle.

Résumé du livre

Introduction

L’Investissement Socialement Responsable est la forme actuelle occidentale de la finance éthique (le livre ne traite que de la forme occidentale) Il regroupe l’ensemble des initiatives en faveur de nouveaux produits financiers plus responsables :

  • Indices « verts »
  • Agences de notation « sociales »
  • Produits d’épargne « durables »

Ces initiatives ont germé depuis 20 ans et visent à appliquer les principes du développement durable aux marchés de capitaux (actions, obligations, monétaire). Cette forme de finance éthique est d’abord un échec car elle n’offre pas d’alternative crédible aux dérives de la spéculation et de la cupidité de systèmes bancaires hors-sol.

Surtout, elle provoque un « grand malentendu » car elle a été utilisée à des fins marketing par les banques, agences de notation et investisseurs pour légitimer leur activité traditionnelle de spéculation qui génère pauvreté et précarité.

Le système financier libéralisé, destructeur de l’environnement et des sociétés, a donc poursuivi son chemin sans être inquiété par le phénomène de la finance éthique. On constate ainsi :

Environ 20% des investissements sont destinés à l’économie réelle. Le reste est majoritairement orienté vers la spéculation, qui a provoqué les grandes crises de ce siècle. Une occasion unique de réforme est passée lors de la crise de 2008, mais les plans de sauvetage des banques (4 500 Milliards d’Euros), qui comprenaient l’adoption de mesures règlementaires plus fortes en échange, n’ont pas été mis en œuvre. La dette issue de cette crise conduit aujourd’hui à l’austérité.

L’introduction se termine en précisant que le livre s’adresse au citoyen, qui est le premier acteur du changement.

Commentaires sur l’introduction

La définition de la finance éthique donnée par Gaëtan Mortier est floue. L’ISR et la Finance éthique ne sont pas définis par des critères qui les délimitent d’autres activités financières ou par des pratiques qui les distinguent.

Le titre du deuxième chapitre, « ISR : le grand malentendu », réduit la Finance éthique à l’ISR. Cette réduction s’explique sans doute parce que Gaëtan Mortier a lui-même travaillé essentiellement dans le domaine de l’ISR. Or la finance éthique, du moins telle que nous la définissons dans ce blog, est plus large que l’ISR.

  • D’abord parce que l’ISR ne comprend pas de nombreuses activités financières qui peuvent être éthiques, comme tout simplement le crédit bancaire. En effet, l’ISR désigne aujourd’hui l’investissement sous forme d’actions et d’obligations cotées. Or le crédit bancaire représente la majorité du financement des entreprises en Europe, et une part non négligeable aux Etats-Unis (voir ci-dessous)

  • De plus, comme on a pu le voir avec la Nef ou Triodos, le crédit bancaire peut être éthique, et c’est sûrement une des activités financières où elle peut l’être le plus.
  • Au-delà du crédit bancaire, d’autres activités non liées aux marchés financiers peuvent elles aussi relever de la finance éthique (voir le capital-risque avec les Cigales par exemple)
  • Ensuite parce que « éthique » et « socialement responsable » sont des notions différentes et apparues à des époques très éloignées (socialement responsable venant des années 70 d‘après l’auteur)
  • Enfin parce que l’ISR utilise une seule méthode parmi de nombreuses possibilités pour désigner ce qui est socialement responsable, et que cette méthode, comme le montre très bien Gaëtan Mortier, comporte des défauts nombreux et graves (voir ci-après)

Le grand malentendu de la finance éthique serait le dévoiement par les acteurs financiers traditionnels. En réalité, et Gaëtan Mortier l’explique également plus loin, il ne s’agit pas tant d‘un malentendu que de greenwashing, c’est-à-dire de publicité mensongère. Pour qu’il y ait malentendu, il faut qu’il y ait deux interlocuteurs dont l’un ne comprend pas bien ce que l’autre a voulu lui dire. Ici nous sommes plutôt dans le domaine de la tromperie.

Enfin, l’appel au citoyen est louable, mais il oublie l’analyse des inégalités, qui sont pourtant mentionnées par ailleurs par Gaëtan Mortier. Contrairement au commerce équitable, où chacun peut acheter son paquet de café et agir concrètement, on ne peut demander aux 50% les plus pauvres d’épargner éthique s’ils n’ont pas les moyens d’épargner tout court (la moitié des ménages les plus riches détient plus de 90% du patrimoine, et 10% des ménages détiennent 48% du patrimoine)

 La suite de la fiche de lecture est disponible ici

OLIVIER Torrente

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