La finance éthique concrètement : rejoindre la Nef, une banque éthique

L’expérience de la Cigales est très enrichissante, mais il faut bien avouer qu’elle est restreinte. Le capital-risque, c’est…risqué. Pas question de mettre toutes ses économies là-dedans. Où mettre le reste de son argent? Et sans même penser à son épargne, quelle banque choisir lorsque l’on est dans une démarche éthique?

En continuant mes recherches, je découvre la société financière de la Nef (Nef pour Nouvelle Economie Fraternelle). Les premiers principes de la finance éthique que j’identifie chez les Cigales (transparence, argent au service de ses valeurs et participation aux décisions) s’appliquent ici aussi.

Pour la transparence, la Nef fait simple et efficace. Elle publie chaque mois (dans une revue en ligne dédiée aux sociétaires qui demandent à la recevoir, « Correspondances ») et chaque année (dans un document disponible sur simple demande) la liste des prêts qu’elle a effectuée. Voici un exemple, avec les informations précises enlevées par mes soins.

A l’inverse des autres banques, je sais exactement où va mon argent. On évite l’effet « boîte noire » des institutions financières classiques, où le déposant met son argent dans des boîtes (compte chèque, livret d’épargne, etc.) sans savoir où il circule ni à quoi il sert.

Concernant les valeurs, il est plus simple de citer ce passage du site internet : « La Nef sélectionne les projets qu’elle finance en fonction de leur utilité écologique, sociale et/ou culturelle. Elle privilégie des initiatives qui visent le développement local de l’économie et choisit délibérément de n’encourager aucune action qui nuirait à la personne ou à l’environnement ».

Enfin, la Nef est une coopérative. Le principe « un homme égale une voix » (et non une action égale une voix) est donc appliqué, ce qui permet de participer à la gouvernance de la banque et d’être écouté par les dirigeants de la banque. C’est à mon sens le troisième principe de la finance éthique : la politique de l’argent, c’est à dire la participation aux décisions, la co-construction de l’outil financier qui manipule les flux d’argent.

Je reviendrai plus longuement sur cette participation à la gouvernance, mais j’en donne une illustration concrète. Chaque mois, le Groupe Local Ile de France, formé par les sociétaires intéressés par la participation à la gouvernance de la banque, se réunit. En ce moment [février 2012], on prépare :

  • le « séminaire de vie coopérative », qui nous permet de rencontrer au siège de la Nef les salariés, les dirigeants de la coopérative, et les autres sociétaires engagés, pendant 2 jours et demi. Un peu comme si un client de BNP Paribas intéressé par sa banque allait discuter avec Baudouin Prot, son Directeur Général.
  • notre contribution au plan d’entreprise à 3 ans. Un peu comme si ce même client de BNPP donnait son avis à Baudouin Prot sur le plan stratégique. Cela implique évidemment un élément essentiel, la compétence des sociétaires pour donner leur avis. D’où le travail d‘éducation populaire de la Nef et des sociétaires issus du monde bancaire pour expliquer à tous les autres comment la banque fonctionne, ses contraintes, ses marges de manoeuvre, ses options. Ceci passe notamment par des assemblées locales avant l’assemblée générale annuelle, des articles dans le vif-argent, et les compte-rendu des assemblées générales ou des groupes de travail, disponibles sur demande. Une manière de répondre concrètement à ceux qui pensent que la finance et l’économie c’est « trop complexe » pour les citoyens.

Pour être tout à fait précis sur le côté technique, la Nef est une société coopérative financière disposant d’un agrément pour effectuer des crédits d’une durée supérieure à 2 ans. Pour toute les opérations de banque au quotidien, elle a passé une convention avec le Crédit Coopératif, qui met à disposition ses agences et ses produits (Chéquiers, Carte Bleue, service bancaires par téléphone et internet, etc.) pour les clients de La Nef. Il est donc possible dès aujourd’hui d’accéder à une véritable alternative bancaire. Pour ceux qui critiquent les banques actuelles en leur laissant pourtant leur argent, le changement est donc possible!

Enfin, la Nef cherche à disposer d’un agrément bancaire de plein exercice, pour être autonome. Depuis plusieurs années, elle discute avec des coopératives de finance partageant les mêmes valeurs pour créer une Banque Ethique Européenne.

Depuis peu, les choses s’accélèrent, avec notamment l’annonce que la Nef devrait pouvoir offrir en toute autonomie l’ensemble des services bancaires (compte-chèques, cartes bleues, etc.) à partir de 2015

Alors, tentés ?

[La première version de cet article a été originellement publié le 13/02/2012 sur financeethique.blogspot.com]
OLIVIER Torrente

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