Fiche de lecture : finance éthique, le grand malentendu, de Gaëtan Mortier (4)

 

 

Voici la quatrième partie de la fiche de lecture sur « Finance éthique, le grand malentendu » de Gaëtan Mortier. La première partie est disponible ici, la deuxième ici et la troisième là. Une fiche de lecture complète au format pdf sera proposée via la newsletter à la fin du mois, avec la revue de presse mensuelle.

Troisième partie

Le troisième chapitre s’intitule « L’avenir de la finance éthique » et regroupe les préconisations de Gaëtan Mortier suite à son diagnostic des chapitres précédents :

  • Réguler le secteur financier : séparation des banques de dépôts et d’investissement, disposer d’agences de notation indépendantes
  • Réaliser un « New Deal » pour financer massivement la transition écologique
  • Faire de l’information un bien commun, structuré par une agence publique de notation, des labels ISR, et une implication des citoyens
  • Inciter les citoyens à aller dans des Banques plus vertueuses comme la Nef ou le Crédit Coopératif

Le premier chantier est celui de la régulation du secteur financier (Banques, assurances et agences de notation). Le développement de nouveaux modèles, plus éthiques, plus écologiques, doit s’accompagner de la régulation du modèle existant. Le modèle de la banque universelle principalement présent en Europe continentale mélange deux activités très différentes, la Banque de dépôts (qui recueille les dépôts des particuliers et les prête aux entreprises et associations) et la Banque d’investissement (qui investit sur les marchés, fournit des services aux grandes entreprises et aux Etats)

  • Ce modèle génère des conflits d’intérêts, par exemple quand la banque d’investissement gagne des commissions en introduisant en bourse une entreprise. Sa filiale de gestion d’actifs doit choisir les actions où elle investit, et donner une notation ISR sur ces mêmes actions. Il lui est difficile de mal noter des actions d’un client d’une autre filiale.
  • La régulation est urgente, soutenue par l’ensemble des économistes non payés par les banques.
  • Les agences de notation sociale ont un pouvoir d’allocation des fonds important, elles doivent donc être indépendantes du pouvoir financier, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. En effet,
    • Elles ont le même conflit d’intérêt que les cabinets d’audit : elles contrôlent ceux qui les payent pour d‘autres services (conseil notamment)
    • Les agences notent le secteur bancaire, qui est lui-même leur plus gros client
    • Les agences sont détenues par des entreprises qu’elles notent, comme Vigeo. Les banques actionnaires comme BPCE sont à la fois clients et actionnaires.
    •  Leurs méthodes doivent être améliorées : elles notent sur la base du déclaratif – rapports de Développement Durable faits par les entreprises et elles n’ont pas analysé des tendances comme la financiarisation de l’économie et ses dérives.

Le deuxième chantier est celui du financement de la transition écologique à travers un financement public à taux bas, comme proposé par le collectif Roosevelt 2012. L’Etat pourrait se financer à bas taux pour financer ce New Deal : aujourd’hui, il emprunte à taux élevé auprès des banques alors que celles-ci empruntent à taux bas à la BCE. Un taux d’intérêt bas favorise l’activité économique au détriment des banques et les rentiers.

Le troisième chantier est celui de l’information citoyenne, qui doit devenir un bien commun. La main invisible et l’autorégulation ne fonctionnent plus dans notre monde. Les multinationales ont des intérêts divergents de l’intérêt général, et ce sont les pays du Sud qui en souffrent le plus, par exemple en matière écologique. Il faut donc que les citoyens agissent face à cette divergence. Pour cela, l’action citoyenne doit être guidée par une information économique indépendante

  • La notation et l’information citoyenne sur les causes des dégâts sociaux et environnementaux. La plus grande partie des effets nocifs de Nestlé sur l’environnement sont liés à sa production de lait industriel, qui ne représente que 20% de son chiffre d’affaires : c’est en diminuant sa consommation que le citoyen peut agir. Cette information est essentielle. Un bureau pour l’information citoyenne, le Bureau d’Analyse Sociétale pour l’Information des Citoyens (BASIC) a été créé en 2012 pour mesurer la dette socio-écologique des entreprises.
    • Cette information sur la RSE doit être considérée comme un bien commun et ne pas être laissée au gré des entreprises. Il existe un besoin d’une définition stricte pour limiter les activités de publicité mensongère.
    • Les grands cabinets du Big Four produisent des rapports sur la RSE pour verdir le CAC 40 tout en leur vendant des prestations d’audit, et disent que tout va bien, les politiques RSE des entreprises étant suffisantes
    • La nécessité du contre-lobbying citoyen. Créer des groupes d’expertise indépendante comme Finance Watch
    • Agence de notation publique et labels ISR. Pour les mêmes raisons qu’il y a des observatoires publics de la santé, il faut un centre d’information public, indépendant des puissances économiques, sur la RSE
      • Pour recevoir l’appellation ISR, un fonds devrait avoir des critères a minima  sur des valeurs écologistes et humanistes :
        • Environnement
        • Sociale dont chaîne de production, flexibilisation
        • Paiement de l’impôt dans chaque pays
        • Indicateur d’obscénité des rémunérations
  • Traçabilité des politiques d’investissements : peu de fonds publient la liste des entreprises exclues de leurs investissements pour des critères éthiques. Les bonnes pratique viennent des fonds scandinaves (ex : le fonds public norvégien publie une liste régulière
  • Les investisseurs publics, caisses de retraite et fonds d’épargne salariale devraient montrer l’exemple

La force publique doit ainsi garantir la démocratisation du champ de la RSE, des notations vraiment « sociales », des produits vraiment « responsables »

Commentaires sur la troisième partie

Cette partie, cœur de l’ouvrage, est convaincante, fondée sur de nombreux arguments, faits et exemples. Gaëtan Mortier, qui a travaillé longtemps dans le secteur,  offre une vision synthétique et claire du secteur de l’ISR. Là encore, même si le style de l’ouvrage ne s’y prête pas, on aurait voulu en savoir plus sur les principaux arguments adverses, afin d’avoir une vue plus complète et équilibrée.

La suite et fin de la fiche de lecture est disponible ici.

OLIVIER Torrente

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