Fiche de lecture : finance éthique, le grand malentendu, de Gaëtan Mortier (3)

 

 

 

Voici la troisième partie de la fiche de lecture sur « Finance éthique, le grand malentendu » de Gaëtan Mortier. La première partie est disponible ici et la deuxième ici. Nous vous proposons une fiche de lecture en plusieurs parties, le contenu étant relativement long. Une fiche de lecture au format pdf sera proposée via la newsletter à la fin du mois, avec la revue de presse mensuelle.

Ce livre a été publié en 2013 dans la collection « Stimulo » par les éditions FYP, en collaboration avec l’Ecole ISG (Ionis Group). (Information : ce livre a été offert par Ionis Group)

Deuxième chapitre

Le deuxième chapitre s’intitule « ISR : Le grand malentendu » et constitue le cœur de la critique de l’ouvrage.

La première critique porte sur la méthodologie de Novethic, principal label en France (deux articles sur la question des labels ISR ont été recensés dans la revue de presse de septembre). En effet, Novethic décerne ce label si le fonds publie les informations de manière transparente, mais pas si le fonds exclut les entreprises polluantes. On peut donc être labellisé et financer des entreprises polluantes, du moment qu’on le dit dans son rapport.

Deuxièmement, les fonds ISR sont accusés de greenwashing, c’est-à-dire de publicité mensongère. En effet :

  • ils contiennent beaucoup d’actions de pétroliers et d’entreprises polluantes
  • Ils ont des compositions quasiment identiques aux fonds classiques (présence de la plupart des entreprises du CAC 40)
  • Les fonds ISR monétaires (placement à très court terme) sont surtout utilisés par les banques pour se financer à court-terme. Or celles-ci manipulent les taux interbancaires (voir les affaires LIBOR notamment) et ont une empreinte carbone indirecte importante.

Les acteurs sont incohérents : comment peut-on avoir d’une part des investissements ISR (socialement responsables, donc) et d’autre part des actifs non ISR ? C’est considéré que ceux-ci sont non socialement responsables, ce qui n’est jamais assumé par ces acteurs. Pour un investisseur, la démarche ISR doit donc s’appliquer à tous ses actifs

Troisièmement, les agences de notation sociale sont des « évaluateurs peu regardants ».

  • D’abord, parce que les agences de notation sont désormais aux mains des grands acteurs des services financiers, comme Morgan Stanley, qui détient la plus grande. Si les premières agences ont été créées par des milieux engagés (en partie religieux, comme KLD aux Etats-Unis ou Sœur Nicole Reille en France), elles ont été absorbées ou dépassées par la deuxième génération, appuyée par le patronat comme Vigeo en France, où les grands groupes du CAC 40, notés par cette agence, sont également actionnaires.
  • Or ces acteurs sont intéressés par la rentabilité plus que par la qualité des notations. Ainsi, la présence syndicale, au niveau de la notation sociale, est considérée comme un risque. Ryanair, en quittant la France, a vu son risque de grève diminuer, et sa note sociale progresser.

Quatrièmement, les agences ont fabriqué un « mythe de l’éthique rentable », pour valoriser leurs services mais aussi car cela permettait de véhiculer une idéologie d’un marché harmonieux pour les intérêts privés comme publics. En montrant que le marché intègre les contraintes éthiques de lui-même, il n’y a pas lieu de le réguler. Par conséquent, les autres formes de finance éthique, comme l’activisme actionnarial, qui vise à prendre des actions pour porter des résolutions en assemblée générale et changer les politiques des entreprises, ont été moins mis en avant.

De manière plus générale, les entreprises, avec l’aide de la Commission Européenne, ont entrepris un « lobbying de la RSE » allant dans le sens des initiatives volontaires des entreprises. Le thème a d’ailleurs été rattaché à la Direction de l’Industrie, marquant son lien avec les politiques de soutien aux entreprises plutôt que de contrôle. Cela s’est accompagné de politiques de greenwashing à grande échelle. Cette stratégie cherchait à éviter la négociation, politique, impliquant la confrontation des intérêts publics et privés, et les revendications des syndicats et des mouvements de citoyens en faveur de l’environnement ou de meilleures conditions de travail, pouvant déboucher sur de nouvelles régulations.

Face à ce dévoiement de l’ISR et de la RSE, il faut acter l’échec de cette voie d’auto-régulation qui n’aboutit pas à des résultats favorables pour la société et l’environnement, et en repasser par les citoyens et le système politique pour réguler.

Commentaires sur la deuxième partie

Cette partie, cœur de l’ouvrage, est convaincante, fondée sur de nombreux arguments, faits et exemples. Gaëtan Mortier, qui a travaillé longtemps dans le secteur,  offre une vision synthétique et claire du secteur de l’ISR. Là encore, même si le style de l’ouvrage ne s’y prête pas, on aurait voulu en savoir plus sur les principaux arguments adverses, afin d’avoir une vue plus complète et équilibrée.

La suite de la fiche de lecture est disponible ici.

OLIVIER Torrente

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