Fiche de lecture : Finance éthique, de Michel Roux (première partie)

Un des premiers (et rares) livres portant sur la finance éthique en France, date de 2005, soit 10 ans. Etant moi-même en train d’en rédiger un, je vous propose de partager ma lecture de cet ouvrage de référence (« Finance Ethique : Structures, Acteurs, Perspectives », Revue Banque Editions). Michel Roux est maître de conférences et directeur de l’UFR de Sciences économiques et de Gestion à Paris XIII. Pour ceux qui souhaiteraient l’emprunter, étant donné qu’il est difficilement trouvable, j’ai un exemplaire à disposition.

Il définit dans son introduction les principaux termes du sujet :

  • Finance :
    • ensemble des professions qui ont pour objet l’argent et ses modes de représentation : la banque, l’assurance, les marchés financiers, l’argent, la monnaie sociale, l’épargne, le reporting et l’audit.
    • La finance a un rôle pivot dans l’allocation du capital entre les différentes activités économiques.
  • Morale :
    • Ensemble des règles d’action et des valeurs qui fonctionnent comme normes dans une société
    • Théories des fins (au sens d’objectifs) de l’action de l’homme. Elle exprime les principes
    • Les mêmes valeurs ne sont toutefois pas forcément partagées dans tous les pays.
  • Ethique :
    • Partie de la philosophie qui étudie les fondements de la morale. C’est l’ensemble des règles de conduite
    • Pour l’auteur, l’éthique se distingue du Développement Durable et de la RSE (Responsabilité Sociale des Entreprises) car elle est plus générale : ces notions ne sont que des déclinaisons concrètes.
    • L’éthique n’a pas de dogme mais prend position au cas par cas.
    • Elle s’oppose à la déontologie qui se cantonne à la légalité des activités.
    • Nous reviendrons dans un autre post sur la notion d’éthique qui ne nous semble pas suffisamment claire ci-dessus.

L’ouvrage est divisé en 3 parties :

  • Genèse et définition des concepts, penser responsabilité
  • Les principaux acteurs de la finance éthique
  • Les perspectives de la finance éthique

Le chapitre 1 est intitulé « Analyse de l’offre de la finance éthique. Essai de définition et poids économique ».

L’auteur expose d’abord l’émergence de nouvelles notions comme le développement durable de et la RSE. Il souligne notamment qu’avec  la RSE et les différentes chartes ou déclarations, il s’agit pour les entreprises d’agir volontairement au-delà des normes légales dans les domaines sociaux, économiques et environnementaux.

Ensuite, l’auteur décrit les différentes modalités de la finance éthique :

  • La finance responsable:
    • Placements socialement responsables
      • Fonds filtrés (forme la plus connue en France) prenant en compte des critères extra-financiers
      • Engagement actionnarial : exercer les droits des associés à la détention des titres pour exercer une influence sur les entreprises
    • Investissement socialement responsable (bizarrement, l’auteur utilise cette notion deux fois pour deux choses différentes, sauf erreur de notre part)
      • Capital développement « socialement responsable » contribuant au développement de nouvelles entreprises créatrices d’emploi ou concourant au respect de l’environnement (cas des fonds de travailleurs suédois et canadiens)
      • Contribution au financement de l’économie solidaire, via l’investissement dans des entreprises solidaires ou structures financières solidaires

L’Investissement Socialement Responsable (ISR)

  • S’appuie sur des critères extra-financiers qui s’ajoutent à l’analyse financière, sans abandonner la recherche d’une rentabilité financière.
  • 3 volets :
    • Fonds socialement responsables ou de développement durable croisant des critères sociaux et environnementaux avec des critères traditionnels et financiers pour l’analyse des grands groupes côtés
    • Fonds d’exclusion : plus répandus dans les pays anglo-saxons, ils se contentent d’exclure, pour des raisons morales ou religieuses, certains secteurs d’activité comme l’armement, le jeu, le tabac, l’emploi des enfants
    • L’engagement actionnarial, pour lequel les investisseurs vont exiger des groupes internationaux côtés, une orientation RSE à travers l’exercice des droits de vote ou l’amplification et la transparence des informations financières communiquées
    • Autres voies : label temporaire pour certains produits, par le Comité intersyndical pour l’épargne salariale

L’épargne solidaire

  • L’épargne solidaire finance des opérations solidaires qui ne trouvent pas de réponse dans les circuits financiers classiques (économie locale, insertion, micro-crédit, etc.)
    • Fonds de partage : ils permettent de rétrocéder une partie des bénéfices à des associations (minimum 25% pour bénéficier d’un allègement d’impôt)
    • Fonds solidaire « Loi Fabius » détenant 5% à 10% de titres d’entreprises solidaires
    • Produits d’épargne solidaire (surtout livrets, OPCVM, assurance-vie, carte Agir)

Nous reproduisons ici un tableau synthétique :

 

Catégories Mode de sélection Pratiques Critères Performances escomptées
Fonds éthiques et fonds socialement responsables Critères négatifs

Critères positifs

Exclusion des titres ne respectant pas les critères

Sélection sur la base de ceux qui respectent le mieux

Activisme actionnarial

Boycott

Benchmark

Introduction de données extra-financières

Plus-values financières

 

Plus-values citoyennes ou éthiques

Fonds solidaires Critères positifs orientés

Citoyenneté et/ou solidarité

Redistribution partielle ou totale du résultat

Vocation solidaire

Citoyenneté

Partage

Solidarité

Exclus des institutions conventionnelles

Rendement

 

Plus-value sociale

 

L’auteur poursuit par une description historique de l’éthique en finance.

  • Les activités financières, et plus particulièrement l’intérêt, ont depuis toujours été considérées comme immorales par nature.
  • Aujourd’hui, son utilité et la nécessité d’y recourir les ont rendues acceptables.
  • Le rôle de la finance éthique évolue, de critique du système capitalistique à garant de son bon fonctionnement.

Il cite les principales maximes éthiques, qu’il range en 3 phases :

  • L’éthique d’Aristote, décrite comme une discipline pratique portant sur l’action
  • Le passage d’une éthique de conviction à une éthique de responsabilité.
    • Précepte de Kant : « Agis toujours de telle sorte que la maxime de ton action puisse être érigée en règle universelle »
    • « l’éthique de la besogne » de Max Weber, qui représente l’intégration des valeurs humaines dans la sphère de l’action.
  • Une phase plus contemporaine avec :
    • Jonas : « Agis de façon que les effets de ton action soient compatibles avec la permanence d’une vie authentiquement humaine sur terre et ne soient pas destructeurs pour la possibilité d’une telle vie »
    • Rawls : « Si, selon le principe d’égale liberté, chaque personne doit avoir un droit égal au système total le plus étendu, selon le principe de différence, des inégalités peuvent être justes s’il y a des compensations en plus pour les plus défavorisés. »
      • Il est dommage que l’auteur ne précise pas plus les termes de la pensée de Rawls, qui font référence à des éléments précis de sa philosophie.

Enfin, l’auteur termine sur quelques remarques :

  • Le poids économique de la finance éthique dans la finance (Nous rappelons que l’auteur écrit en 2005) est très faible, voire anecdotique pour les fonds solidaires
    • Pour les fonds ISR, les montants sont supérieurs à ceux de la finance solidaire mais leur composition est tellement proche des fonds non ISR qu’ils semblent être plutôt du « marketing financier »
    • Une forte augmentation de ces fonds a eu lieu à la fin des années 1990 avec l’arrivée d’acteurs bancaires majeurs
OLIVIER Torrente

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