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OLIVIER Torrente

La Nef obtient un élargissement de son agrément et se rapproche d’une banque éthique de plein exercice

By | La finance éthique concrètement | No Comments

Pour rappel, la Nef (dont nous avons parlé plus en détail ici) est un établissement financier qui promeut depuis 1978 (sous forme d’association et 1988 sous forme de société financière) la finance éthique en France. Elle se distingue notamment par la transparence de l’utilisation des fonds qui lui sont confiés (elle publie en effet la totalité des prêts qu’elle octroie aux porteurs de projets – voir ci-joint la liste des projets financés en 2014) et par un jugement éthique préalable à toute analyse économique du projet. Ce jugement porte notamment sur l‘utilité sociale, environnementale et/ou culturelle du projet.

Jusqu’au 17 avril dernier, elle était limitée dans ses activités : elle ne pouvait proposer que des produits d’épargne bloqués pendant 24 mois (comptes à terme) et des crédits à moyen long-terme pour les entreprises (majoritairement) et les particuliers (prêts pour l’acquisition d’un habitat ou d’un véhicule écologique par exemple). Le livret d’épargne et le compte-courant (couramment utilisé avec un chéquier et une carte bancaire) lui étaient interdits

Désormais, elle a le droit d’ouvrir des livrets d’épargne et des comptes-courants pour les entreprises, avec des moyens de paiement excepté le chéquier. Cela lui permet de soutenir les entreprises pour leurs besoins à court-terme.

Pour les particuliers, la nouveauté réside dans le livret d’épargne, sur lequel on peut verser et retirer de l’argent chaque jour, et qui est donc dit « liquide ».

Cette demande d’agrément va permettre de débloquer une partie des tâches nécessaires à leur commercialisation, qui doit être effective avant avril 2016.

Pour les compte-courant des particuliers, il faudra faire une nouvelle demande d’agrément, prévue pour 2017.

Pour en savoir plus, n’hésitez pas à consulter (et à aimer!) la page Facebook de La Nef sur laquelle la Nef a répondu à de nombreux commentaires demandant plus de précisions. https://www.facebook.com/societefinancieredelaNef?fref=ts

 

 

Un nouveau label ISR devrait voir le jour en France : commun à tous les acteurs, mais peu exigeant

By | ISR | No Comments

Un nouveau label ISR partagé par tous les acteurs français devrait voir le jour après d’intenses négociations, mais il semble que ce soit le plus petit dénominateur commun, et donc peu exigeant

Nous avions suivi ces débats depuis maintenant plus de 2 ans : ici dans la revue de presse de septembre 2013 puis là dans la fiche de lecture sur « Finance Ethique : le grand malentendu » de Gaëtan Mortier

En résumé :

Novethic, filiale de la Caisse des Dépôts et consignations, a le premier lancé un label ISR en 2007 et s’est imposé comme la référence en France

En durcissant l’attribution du label, notamment sous la pression de critiques de greenwashing, il a provoqué le refus d’Amundi, un des principaux gestionnaires d’actifs en France (filiale du Crédit Agricole) de faire labelliser ses produits. Amundi a alors opté pour faire certifier ses processus.

Depuis 2013, une concertation des acteurs de la place menée par le gouvernement cherchait à imposer un label unique partagé pour donner une meilleure visibilité à l’ISR.

Les négociations semblent s’être terminées, mais la proposition semble finalement assez large et favoriser une faible exigence pour les fonds, renforçant les critiques sur l’hypocrisie de l’ISR porté que nous avons étudiées dans le livre de Gaëtan Mortier.

Il faudra ainsi respecter une des trois caractéristiques suivantes selon les informations pour l’instant officieuses de la journaliste :

  • Soit réduire de 20 % son univers investissable ESG (Environnement Social Gouvernance) par rapport à l’univers d’investissement initial du fonds. En clair, exclure 20% des actions possibles si l’on ne prenait pas en compte de critères. (démarche plutôt poussée par Novethic)
  • Soit qu’il ait « un niveau de qualité ESG exigeant », défini par « l’écart de la note ESG moyenne entre le portefeuille et l’univers d’investissement initial » (ce qui ressemble à la philosophie d’Amundi et de certains autres acteurs de la place) – cet écart devrait être significatif et d’autant plus élevé que la qualité de l’univers de départ est faible
  • Soit, enfin, expliquer les raisons pour lesquelles le non-respect d’une des conditions précédentes est compatible avec la recherche d’impact ESG du fonds.

On peut noter qu’en Belgique, une proposition de loi du sénat déposée en 2011 est toujours en attente pour valider une définition légale de l’ISR

Revue de presse de mars 2015 – Finance éthique

By | Revue de presse | No Comments

Ce mois-ci nous retenons en particulier des articles autour de 3 thèmes

3 articles autour de l’utilité sociale des banques et leur comportement vis-à-vis de la société :

Mots-clés : Banque d’Angleterre, économie réelle, spéculation

 Mots-clés : Procès, Belgique, Financité

 Mots-clés : Procès, illégalité, spéculation, Etats-Unis

Mots-clés : Oxfam, impacts, France, banques

Un article sur une initiative des banques « morales » :

Mots-clés : GABV, institutions financières, SFRE

4 articles sur l’investissement socialement responsable, et notamment le traitement des investissements dans les énergies fossiles :

  • La publication du rapport de gestion du fonds souverain norvégien :
    • Le fonds norvégien est le plus grand du monde avec 870 Milliards de dollars d’actifs
    • Il est considéré comme une référence en matière de politique ISR (Investissement Socialement Responsable)
    • Son dernier rapport de gestion montre qu’il s’est retiré de nombreuses entreprises dans le secteur du charbon, mais qu’il en a également ajouté, la diminution de son investissement n’étant que de 5%
    • Il reste des entreprises très controversées poursuivies aux Etats-Unis pour des dégâts écologiques massifs
    • Nous avions déjà parlé (ici et ) des débats autour de la politique d’exclusion du fonds qui a lieu dans la classe politique norvégienne. La prochaine consultation entre gouvernement et parlement est une occasion pour les ONG de pousser pour une stratégie d’exclusion de l’ensemble du secteur du charbon

Mots-clés : ISR, norvège, risque carbone, charbon

Mots-clés : ISR, Londres, Paris, risque carbone, pétrole, Oxford, Shell, BP

Mots-clés : ISR, fondations, risque carbone, pétrole, incohérence, Bill Gates, Nigéria

Mots-clés : ISR, BNP Paribas

Revue de presse de février 2015 – Finance éthique

By | Revue de presse | No Comments

Ce mois-ci nous retenons en particulier :

  • La publication du « Livre noir des banques » :
    • 5 points à retenir de l’article :
      • Les banques profitent de subventions cachées : les investisseurs savent que si elles font faillite, elles seront sauvées par les Etats, elles bénéficient donc d’un coût d’emprunt inférieur aux autres entreprises
      • L’extension du domaine de la spéculation et des moyens pour le faire : sur les catastrophes liées au changement climatique, via l’achat de supertanker pour stocker du pétrole et attendre une montée des cours, etc.
      • L’apparition de krachs instantanés et imprévisibles liés au trading haute fréquence : la multiplication d’opérations par des robots génère une spéculation imprévisible (95% des opérations lancées sont annulées) qui n’ont aucun intérêt économique et qui ont déjà débouchés sur plusieurs « mini-krachs »
      • Les banques utilisent massivement les paradis fiscaux pour leurs clients ou elles-mêmes
      • Les banques manipulent des institutions fondamentales pour la fixation des taux au niveau international, comme les scandales du LIBOR et de l’EURIBOR l’ont montré

Mots-clés : attac, enquête, livre noir, spéculation, subvention, trading haute fréquence, paradis fiscaux

Mots-clés : fonds souverain, norvège, risque carbone

Mots-clés : Finansol, assurance-vie, livrets réglementés

Mots-clés : spéculation, faim, Oxfam, BNP Paribas, BPCE, Société Générale

7 ans après, les Etats-Unis n’ont pas encore poursuivi d’individus impliqués dans la crise des subprimes

By | Légalité et Ethique | No Comments

Un article de l’International Business Time fait un état des lieux de la situation. En voici une traduction résumée.

Le ministre de la Justice américain a lancé un appel aux procureurs du pays pour déterminer, d’ici 90 jours, s’ils ont assez d’éléments pour incriminer des individus et pas seulement des entreprises dans des activités illégales durant la crise de 2008. Il est critiqué pour n’avoir pas réussi à poursuivre des individus durant les 7 années qui ont suivi la crise, et n’avoir réalisé pratiquement que des transactions avec les banques américaines : celles-ci ont payé de fortes amendes mais sans jamais devoir passer par des jugements ni avouer leur culpabilité.

Holder met en avant le fait qu’il a tout essayé mais qu’il s’agit d’un problème de culture d’entreprise disséminé dans les banques plutôt que des actions volontaires individuelles, et que la poursuite d’individus s’apparenterait plus à un tirage au sort ou à la création de boucs émissaires.

L’adjoint au procureur général de New-York balaie cette version des faits, au motif que des plaintes contre des individus pour délits en col-blanc sont enregistrées chaque jour aux Etats-Unis, et que si des crimes ont été réalisés, il y a nécessairement des individus qui les ont commis. En outre, les techniques utilisées contre la mafia conviendraient très bien : condamner des cadres intermédiaires et leur promettre un arrangement si elles permettent de condamner des cadres supérieurs et des responsables.

L’absence de condamnations individuelles est d’autant plus surprenante que, d’après W. K. Black, des centaines de responsables ont été condamnés lors d’une crise d’une ampleur inférieure, la Savings and Loans du début des années 90.

Enfin, l’utilisation des lanceurs d’alertes, qui sont à l’origine des 3 plus grandes amendes des banques pour des délits sur les subprimes, pourrait permettre d’atteindre des individus.

 

Fiche de lecture : Finance éthique, de Michel Roux (deuxième partie)

By | Fiche de lecture | No Comments

Nous continuons notre fiche de lecture de « Finance Ethique » de Michel Roux dont la première partie est ici.

Dans le chapitre 2, l’auteur aborde une partie historique. Il souligne notamment la méfiance et le contrôle des sociétés face à la finance depuis toujours :

  • Code Hammurabi, Babylone, VIIIème siècle avant Jésus Christ (A.J.C.). : présence d’une règlementation des commerçants et des banquiers
  • Inde, Kautilya, IVème siècle A.J.-C. : examen scrupuleux des transactions financières pour punir les usuriers
  • Durant l’antiquité, les grecs et les romains condamnent de même l’usure
  • Enfin les trois monothéismes le condamnent également :
    • Juifs : Deutéronome, « tu ne prêteras pas à intérêt à ton frère »
    • Thomas d’Aquin étend l’interdiction à toute plus-value apportée sans transformation : « l’homme qui achète un bien pour le revendre inchangé est comme les marchands qui furent chassés du Temple de Dieu »
    • Nouveau testament : « Il est plus facile à un chameau de passer par le chat d’une aiguille, qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu » (Marc 10, 25)

Néanmoins, une évolution apparaît avec Calvin (1509-1564) qui réalise une distinction entre prêt à la consommation, qui doit rester gratuit, et prêt à l’entreprise, qui, participant à la création de nouvelles richesses, peut donner lieu à une rémunération

  • Pour J. Le Goff, « la formidable polémique autour de l’usure constitue en quelque sorte « l’accouchement du capitalisme » »

L’apparition de l’économie industrielle crée un changement de paradigme : on passe de l’accumulation préalable à la dépense à l’accès au crédit. La monnaie devient porteuse de richesses à venir plutôt que résultats d’efforts passés.

Dans le monde moderne, une brève histoire de la finance éthique peut se résumer en 3 points :

  • Origine historique de l’investissement éthique chez les Quakers au XVIIIème siècle aux Etats-Unis d’Amérique (EUA)
  • Premier fonds institutionnel dans les années 20
  • Développement aux EUA avec l’apartheid en Afrique du Sud

Dans le monde non-occidental, la finance islamique apparaît à partir des années 40 avec les premières banques islamiques en Malaisie. Les pratiques bancaires excluent l’intérêt, en réalisant des montages faisant intervenir des frais de dossiers et des systèmes de locations au lieu de mensualités d’un crédit.

L’auteur précise également deux conceptions de la monnaie qui s’opposent :

  • Une vision plutôt libérale et évolutionniste : la monnaie est un bien ordinaire substituable par n’importe quel actif financier (coquillage, troc, or, monnaie électronique, etc.)
  • L’école française envisage la monnaie comme une institution sociale structurant les rapports sociaux économiques. La banque qui émet la monnaie est de facto un intermédiaire singulier et monopolistique

En conclusion, les religions et les autorités politiques sont passés de l’interdiction et de la règlementation très stricte de la finance à une attitude plus libérale, entraînant le développement du capitalisme. Mais depuis un siècle environ, un mouvement mondial apparaît pour redonner un sens non-économique aux flux financiers.

Réguler les banques est indispensable pour protéger l’économie des restrictions de crédits qu’elles imposent après leurs déboires spéculatifs

By | Régulation financière | No Comments

Nous nous intéressons à un deuxième article sur la régulation financière, écrit par Anton Korinek et Jonathan Kreamer. D’après celui-ci, le système financier est fait de telle façon que ses acteurs sont incités à prendre trop de risque pour gagner plus, ce qui provoque des externalités négatives (réduction du crédit brutale, crise, pertes d’emplois, etc.) pour toute la société. Il faut donc réguler le système financier de manière à atteindre un niveau de risque optimal pour la société.

Constat : 0,1% des ménages américains détient 25% de la richesse du pays, soit plus que les 90% de la population. Ce niveau d’inégalité est comparable à celui des années 20 qui ont précédé la Grande Dépression

Or une des principales sources de richesse des 0,1% est le secteur financier. Les articles sur le système financier se concentrent sur son efficacité et non se effets de distribution de la richesse.

Les pertes du secteur financier impliquent des coûts massifs sur l’économie entière, comme l’a illustré la crise de 2008: les banques ont brutalement arrêté de prêter, conduisant à des pertes de salaires et d’emplois très importantes

Pourtant, elles ne prennent pas en compte ces coûts lorsqu’elles décident des prêts qu’elles accordent. Elles prennent plus de risques qui est nécessaire pour un fonctionnement correct de l’économie, pour gagner plus d’argent

Ces externalités négatives impliquent qu’il faut réguler cette industrie, tout comme on régule les entreprises nucléaires pour qu’elles ne diminuent par leurs investissements dans la sécurité pour faire plus de profits : la société pâtirait énormément des « externalités négatives »

Le débat se concentre sur les sauvetages des banques avec l’argent public («bail-outs »), alors que les conséquences des politiques de crédit sont bien plus importantes économiquement

Le problème des sauvetages des banques n’est pas tant le transfert financier des contribuables vers les banques que l’encouragement à continuer à prendre des risques trop importants. De plus, interdire les bail-outs est difficile à imposer car cela peut aggraver les ruptures du crédit.

Que faire ?

Reconnaître qu’il existe un conflit de distribution de richesse entre le secteur financier et le reste de l’économie.

  • Il n’a jamais de niveau de risque idéal pour le secteur financier, car un niveau de risque augmenté permet une espérance de gains supérieure pour les agents financiers
  • En revanche, il existe un niveau de risque qui satisfait les autres secteurs économiques en assurant une production de crédits suffisante

Quels sont les facteurs qui incitent le secteur financier à prendre plus de risques au détriment de l’économie en général? :

  • Les sauvetages (« bail-outs ») des banques
  • Les innovations financières qui étendent les possibilités de prise de risque et peuvent contourner les régulations
  • La concentration du secteur financier incite à prendre plus de risque car le sauvetage est d’autant plus probable que l’on est gros (« Too Big To Fail »)
  • Les systèmes de rémunération asymétriques (« Pile je gagne, face tu perds ») : les agents financiers gagnent plus en prenant des risques qu’ils ne peuvent perdre.

Il faut donc réguler la prise de risque des banques :

  • En augmentant les niveaux de capital nécessaires pour prêter
  • Séparer les activités à risque (trading pour compte propre, etc.) des activités de financement de l’économie
  • Limiter les dividendes qui fragilisent le capital des banques
  • Réguler les systèmes de rémunération asymétriques

Les ONG anglaises proposent de réformer le système financier à l’occasion des élections de 2015

By | Régulation financière | No Comments

Au Royaume-Uni, une campagne des ONG, à l’occasion des élections parlementaires de 2015, propose 5 axes pour transformer la finance et la remettre au service de l’intérêt général :

  • Diversité : utiliser l’autorité de la concurrence pour favoriser la croissance des alternatives aux banques actuelles, comme la Finance participative (crowdfunding) et les banques coopératives
  • Responsabilité : améliorer la régulation bancaire, avec notamment la participation du Royaume-Uni à la Taxe sur les Transactions Financières pour freiner la spéculation sur les marchés, en particulier celle liée au trading haute fréquence (achat et revente de titres par des ordinateurs dans des délais très courts, très inférieurs à la seconde)
  • Transparence : voter une loi pour améliorer le niveau d’information des épargnants sur les produits financiers et clarifier les responsabilités des institutions financières afin d’aligner leurs intérêts avec ceux des clients
  • Durabilité : faire de la « Green Investment Bank » une véritable banque d’Etat pouvant emprunter sur les marchés et investir à long-terme dans des projets d’infrastructure à forte utilité sociale mais faible rentabilité à court-terme, donc délaissées par les banques privées.
  • Démocratie : Mandater la Banque d’Angleterre pour étudier toutes les possibilités de mettre la création monétaire au service de l’intérêt général. La création monétaire a été largement utilisée par les banques centrales (« Quantitative easing » et différentes interventions « non conventionnelles »). Ces interventions ne sont pas neutres, elles influencent les marchés en favorisant l’inflation des actifs, donc la distribution des richesses dans la société. Il est essentiel de discuter politiquement de l’utilisation de cet outil politique qu’est la monnaie, dont la valeur dépend de sa reconnaissance par l’Etat.

 Commentaires : le débat sur la création monétaire est devenu très important ces dernières années, avec la prise de conscience de plus en plus grande que la monnaie était créée par le système bancaire privé, en accord avec la Banque Centrale de chaque pays. Laisser des acteurs privés, guidés par leurs intérêts individuels, et qui ont conduit à la crise de 2008, créer la monnaie de notre société paraît évidemment très dangereux, d’autant qu’aucune régulation d’envergure n’a changé la situation qui avait mené à cette crise.

Le sujet de l’allocation du crédit par des acteurs privés est un deuxième grand sujet, car il pose la question de ce qui doit être financé dans une société, et d’autant plus dans une situation critique au niveau écologique, avec le changement climatique. Continuer dans la situation qui est la nôtre implique de laisser des acteurs privés guidés par la maximisation de leurs rémunérations et/ou de celle de leurs actionnaires décider des projets, dont ceux qui accélèrent le changement climatique, qui seront financés. D’autre part, les solutions ne sont pas légions. Confier la création monétaire à des acteurs publics uniquement crée potentiellement d’autres problèmes, liés à la décision économique centralisée, à la corruption d’institutions publiques, etc. Le modèle français d’après-guerre, avec le secteur bancaire nationalisé et très réglementé, qui a accompagné les 30 glorieuses, ne doit toutefois pas le faire regarder comme une absurdité, surtout en comparaison du système actuel. Il reste alors a priori deux autres pistes, celle de la règlementation beaucoup plus forte d’un système qui resterait majoritairement privé comme actuellement (encadrer fortement la création monétaire avec un objectif discuté politiquement, séparation des banques de dépôts et d’investissements, limitation ou interdiction de certains produits purement spéculatifs sans utilité sociale – trading haute fréquence par exemple, etc.), ou le passage à un système de type coopératif ou paritaire, avec des banques détenues par les entreprises et les citoyens, décidant des politiques d’octroi de crédit par une discussion sur les besoins économiques et sociaux du pays.

Il est donc urgent d’engager ce débat fondamental sur la création monétaire. Nous essaierons d’y revenir rapidement.

Fiche de lecture : Finance éthique, de Michel Roux (première partie)

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Un des premiers (et rares) livres portant sur la finance éthique en France, date de 2005, soit 10 ans. Etant moi-même en train d’en rédiger un, je vous propose de partager ma lecture de cet ouvrage de référence (« Finance Ethique : Structures, Acteurs, Perspectives », Revue Banque Editions). Michel Roux est maître de conférences et directeur de l’UFR de Sciences économiques et de Gestion à Paris XIII. Pour ceux qui souhaiteraient l’emprunter, étant donné qu’il est difficilement trouvable, j’ai un exemplaire à disposition.

Il définit dans son introduction les principaux termes du sujet :

  • Finance :
    • ensemble des professions qui ont pour objet l’argent et ses modes de représentation : la banque, l’assurance, les marchés financiers, l’argent, la monnaie sociale, l’épargne, le reporting et l’audit.
    • La finance a un rôle pivot dans l’allocation du capital entre les différentes activités économiques.
  • Morale :
    • Ensemble des règles d’action et des valeurs qui fonctionnent comme normes dans une société
    • Théories des fins (au sens d’objectifs) de l’action de l’homme. Elle exprime les principes
    • Les mêmes valeurs ne sont toutefois pas forcément partagées dans tous les pays.
  • Ethique :
    • Partie de la philosophie qui étudie les fondements de la morale. C’est l’ensemble des règles de conduite
    • Pour l’auteur, l’éthique se distingue du Développement Durable et de la RSE (Responsabilité Sociale des Entreprises) car elle est plus générale : ces notions ne sont que des déclinaisons concrètes.
    • L’éthique n’a pas de dogme mais prend position au cas par cas.
    • Elle s’oppose à la déontologie qui se cantonne à la légalité des activités.
    • Nous reviendrons dans un autre post sur la notion d’éthique qui ne nous semble pas suffisamment claire ci-dessus.

L’ouvrage est divisé en 3 parties :

  • Genèse et définition des concepts, penser responsabilité
  • Les principaux acteurs de la finance éthique
  • Les perspectives de la finance éthique

Le chapitre 1 est intitulé « Analyse de l’offre de la finance éthique. Essai de définition et poids économique ».

L’auteur expose d’abord l’émergence de nouvelles notions comme le développement durable de et la RSE. Il souligne notamment qu’avec  la RSE et les différentes chartes ou déclarations, il s’agit pour les entreprises d’agir volontairement au-delà des normes légales dans les domaines sociaux, économiques et environnementaux.

Ensuite, l’auteur décrit les différentes modalités de la finance éthique :

  • La finance responsable:
    • Placements socialement responsables
      • Fonds filtrés (forme la plus connue en France) prenant en compte des critères extra-financiers
      • Engagement actionnarial : exercer les droits des associés à la détention des titres pour exercer une influence sur les entreprises
    • Investissement socialement responsable (bizarrement, l’auteur utilise cette notion deux fois pour deux choses différentes, sauf erreur de notre part)
      • Capital développement « socialement responsable » contribuant au développement de nouvelles entreprises créatrices d’emploi ou concourant au respect de l’environnement (cas des fonds de travailleurs suédois et canadiens)
      • Contribution au financement de l’économie solidaire, via l’investissement dans des entreprises solidaires ou structures financières solidaires

L’Investissement Socialement Responsable (ISR)

  • S’appuie sur des critères extra-financiers qui s’ajoutent à l’analyse financière, sans abandonner la recherche d’une rentabilité financière.
  • 3 volets :
    • Fonds socialement responsables ou de développement durable croisant des critères sociaux et environnementaux avec des critères traditionnels et financiers pour l’analyse des grands groupes côtés
    • Fonds d’exclusion : plus répandus dans les pays anglo-saxons, ils se contentent d’exclure, pour des raisons morales ou religieuses, certains secteurs d’activité comme l’armement, le jeu, le tabac, l’emploi des enfants
    • L’engagement actionnarial, pour lequel les investisseurs vont exiger des groupes internationaux côtés, une orientation RSE à travers l’exercice des droits de vote ou l’amplification et la transparence des informations financières communiquées
    • Autres voies : label temporaire pour certains produits, par le Comité intersyndical pour l’épargne salariale

L’épargne solidaire

  • L’épargne solidaire finance des opérations solidaires qui ne trouvent pas de réponse dans les circuits financiers classiques (économie locale, insertion, micro-crédit, etc.)
    • Fonds de partage : ils permettent de rétrocéder une partie des bénéfices à des associations (minimum 25% pour bénéficier d’un allègement d’impôt)
    • Fonds solidaire « Loi Fabius » détenant 5% à 10% de titres d’entreprises solidaires
    • Produits d’épargne solidaire (surtout livrets, OPCVM, assurance-vie, carte Agir)

Nous reproduisons ici un tableau synthétique :

 

Catégories Mode de sélection Pratiques Critères Performances escomptées
Fonds éthiques et fonds socialement responsables Critères négatifs

Critères positifs

Exclusion des titres ne respectant pas les critères

Sélection sur la base de ceux qui respectent le mieux

Activisme actionnarial

Boycott

Benchmark

Introduction de données extra-financières

Plus-values financières

 

Plus-values citoyennes ou éthiques

Fonds solidaires Critères positifs orientés

Citoyenneté et/ou solidarité

Redistribution partielle ou totale du résultat

Vocation solidaire

Citoyenneté

Partage

Solidarité

Exclus des institutions conventionnelles

Rendement

 

Plus-value sociale

 

L’auteur poursuit par une description historique de l’éthique en finance.

  • Les activités financières, et plus particulièrement l’intérêt, ont depuis toujours été considérées comme immorales par nature.
  • Aujourd’hui, son utilité et la nécessité d’y recourir les ont rendues acceptables.
  • Le rôle de la finance éthique évolue, de critique du système capitalistique à garant de son bon fonctionnement.

Il cite les principales maximes éthiques, qu’il range en 3 phases :

  • L’éthique d’Aristote, décrite comme une discipline pratique portant sur l’action
  • Le passage d’une éthique de conviction à une éthique de responsabilité.
    • Précepte de Kant : « Agis toujours de telle sorte que la maxime de ton action puisse être érigée en règle universelle »
    • « l’éthique de la besogne » de Max Weber, qui représente l’intégration des valeurs humaines dans la sphère de l’action.
  • Une phase plus contemporaine avec :
    • Jonas : « Agis de façon que les effets de ton action soient compatibles avec la permanence d’une vie authentiquement humaine sur terre et ne soient pas destructeurs pour la possibilité d’une telle vie »
    • Rawls : « Si, selon le principe d’égale liberté, chaque personne doit avoir un droit égal au système total le plus étendu, selon le principe de différence, des inégalités peuvent être justes s’il y a des compensations en plus pour les plus défavorisés. »
      • Il est dommage que l’auteur ne précise pas plus les termes de la pensée de Rawls, qui font référence à des éléments précis de sa philosophie.

Enfin, l’auteur termine sur quelques remarques :

  • Le poids économique de la finance éthique dans la finance (Nous rappelons que l’auteur écrit en 2005) est très faible, voire anecdotique pour les fonds solidaires
    • Pour les fonds ISR, les montants sont supérieurs à ceux de la finance solidaire mais leur composition est tellement proche des fonds non ISR qu’ils semblent être plutôt du « marketing financier »
    • Une forte augmentation de ces fonds a eu lieu à la fin des années 1990 avec l’arrivée d’acteurs bancaires majeurs

Revue de presse de décembre 2014 – Finance éthique

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Ce mois-ci nous retenons en particulier :

 

  • La loi ESS du 31 juillet 2014 crée 3 nouveaux modes de soutien à l’économie sociale et solidaire :
    • Le fonds d’investissement pour l’innovation sociale (Fiso) :
      • appels à projet des entreprises dont l’activité « répond à une demande nouvelle correspondant à des besoins sociaux non ou mal satisfait »
      • Lancé expérimentalement dans 8 régions d’ici fin 2014
      • Cofinancé par l’Etat et les régions, géré par Bpifrance
      • Capacité publique totale de 40 millions d’euros
      • Taille minimale du ticket d’investissement sera de 30 000 euros
    • Prêts spécifiques pour les entreprises sociales et solidaires (PESS)
      • A partir de janvier 2015 aux guichets des grands réseaux bancaires français
      • Montant de 20.000 à 50.000 euros, crédits garantis à 70% par la BPI
      • Une enveloppe de 50 millions d’euros par an est prévue dans ce cadre.
    • Fonds de fonds :
      • Capacité d’investissement en fonds propres dans les entreprises de l’ESS et les entreprises recherchant un impact social.
      • Tour de table initial autour de 50 millions d’euros pour un fonds d’investissement dans des coopératives, nommé « impact coopératif ».

 

Mots-clés : ESS, innovation, financement

 

 

Mots-clés : Finance éthique, morale, fraude, délits, banques, banksters, arbitrage légal, amendes

 

 

Mots-clés : Justice, Finance éthique, morale, fraude, délits, banques, banksters, amendes, BNP Paribas, Etats-Unis

 

 

  • Le fonds souverain norvégien alimente le débat sur le rôle des investisseurs financiers dans la transition énergétique à la suite de la publication d’un nouveau rapport
    • Le débat est structuré principalement entre :
      • ceux qui souhaitent exclure les entreprises des secteur du pétrole et du charbon des investissements possibles
        • soit pour des raisons d’intérêt général : cela permet de réduire et renchérir les sources de financement pour ces projets et donc les rendre moins intéressants que les investissements dans les énergies renouvelables
        • soit pour des raisons d’intérêt bien compris, comme l’assureur Storebrand, minoritaire aujourd’hui : ces acteurs considèrent qu’investir dans des projets à énergie fossile fait courir un « risque carbone », c’est-à-dire un risque financier important lié à la perte de valeur d’actifs polluants vu l’augmentation de leurs coûts et le développement de règlementations anti-polluantes et anti-réchauffement climatique
      • ceux qui souhaitent exclure uniquement les entreprises les plus polluantes de ces secteurs, mais ne pas exclure toute entreprise appartenant à ces secteurs
    • Le rapport émet plusieurs recommandations :
      • Opter pour la deuxième option, la non-exclusion de secteurs mais simplement des entreprises les plus polluantes
      • Le fonds doit pousser les entreprises, par son pouvoir d’actionnaire, à diminuer leurs émissions
    • Le fonds a par ailleurs annoncé vouloir investir dans des entreprises innovantes de la transition énergétique

 

Mots-clés : Finance éthique, Norvège, fonds souverain, transition énergétique, risque carbone, exclusion, best in class, charbon, pétrole, énergie

 

 

Mots-clés : Finance religieuse, religion, finance éthique, usure, Welby, Canterbury, Wonga