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février 2015

Fiche de lecture : Finance éthique, de Michel Roux (deuxième partie)

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Nous continuons notre fiche de lecture de « Finance Ethique » de Michel Roux dont la première partie est ici.

Dans le chapitre 2, l’auteur aborde une partie historique. Il souligne notamment la méfiance et le contrôle des sociétés face à la finance depuis toujours :

  • Code Hammurabi, Babylone, VIIIème siècle avant Jésus Christ (A.J.C.). : présence d’une règlementation des commerçants et des banquiers
  • Inde, Kautilya, IVème siècle A.J.-C. : examen scrupuleux des transactions financières pour punir les usuriers
  • Durant l’antiquité, les grecs et les romains condamnent de même l’usure
  • Enfin les trois monothéismes le condamnent également :
    • Juifs : Deutéronome, « tu ne prêteras pas à intérêt à ton frère »
    • Thomas d’Aquin étend l’interdiction à toute plus-value apportée sans transformation : « l’homme qui achète un bien pour le revendre inchangé est comme les marchands qui furent chassés du Temple de Dieu »
    • Nouveau testament : « Il est plus facile à un chameau de passer par le chat d’une aiguille, qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu » (Marc 10, 25)

Néanmoins, une évolution apparaît avec Calvin (1509-1564) qui réalise une distinction entre prêt à la consommation, qui doit rester gratuit, et prêt à l’entreprise, qui, participant à la création de nouvelles richesses, peut donner lieu à une rémunération

  • Pour J. Le Goff, « la formidable polémique autour de l’usure constitue en quelque sorte « l’accouchement du capitalisme » »

L’apparition de l’économie industrielle crée un changement de paradigme : on passe de l’accumulation préalable à la dépense à l’accès au crédit. La monnaie devient porteuse de richesses à venir plutôt que résultats d’efforts passés.

Dans le monde moderne, une brève histoire de la finance éthique peut se résumer en 3 points :

  • Origine historique de l’investissement éthique chez les Quakers au XVIIIème siècle aux Etats-Unis d’Amérique (EUA)
  • Premier fonds institutionnel dans les années 20
  • Développement aux EUA avec l’apartheid en Afrique du Sud

Dans le monde non-occidental, la finance islamique apparaît à partir des années 40 avec les premières banques islamiques en Malaisie. Les pratiques bancaires excluent l’intérêt, en réalisant des montages faisant intervenir des frais de dossiers et des systèmes de locations au lieu de mensualités d’un crédit.

L’auteur précise également deux conceptions de la monnaie qui s’opposent :

  • Une vision plutôt libérale et évolutionniste : la monnaie est un bien ordinaire substituable par n’importe quel actif financier (coquillage, troc, or, monnaie électronique, etc.)
  • L’école française envisage la monnaie comme une institution sociale structurant les rapports sociaux économiques. La banque qui émet la monnaie est de facto un intermédiaire singulier et monopolistique

En conclusion, les religions et les autorités politiques sont passés de l’interdiction et de la règlementation très stricte de la finance à une attitude plus libérale, entraînant le développement du capitalisme. Mais depuis un siècle environ, un mouvement mondial apparaît pour redonner un sens non-économique aux flux financiers.

Réguler les banques est indispensable pour protéger l’économie des restrictions de crédits qu’elles imposent après leurs déboires spéculatifs

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Nous nous intéressons à un deuxième article sur la régulation financière, écrit par Anton Korinek et Jonathan Kreamer. D’après celui-ci, le système financier est fait de telle façon que ses acteurs sont incités à prendre trop de risque pour gagner plus, ce qui provoque des externalités négatives (réduction du crédit brutale, crise, pertes d’emplois, etc.) pour toute la société. Il faut donc réguler le système financier de manière à atteindre un niveau de risque optimal pour la société.

Constat : 0,1% des ménages américains détient 25% de la richesse du pays, soit plus que les 90% de la population. Ce niveau d’inégalité est comparable à celui des années 20 qui ont précédé la Grande Dépression

Or une des principales sources de richesse des 0,1% est le secteur financier. Les articles sur le système financier se concentrent sur son efficacité et non se effets de distribution de la richesse.

Les pertes du secteur financier impliquent des coûts massifs sur l’économie entière, comme l’a illustré la crise de 2008: les banques ont brutalement arrêté de prêter, conduisant à des pertes de salaires et d’emplois très importantes

Pourtant, elles ne prennent pas en compte ces coûts lorsqu’elles décident des prêts qu’elles accordent. Elles prennent plus de risques qui est nécessaire pour un fonctionnement correct de l’économie, pour gagner plus d’argent

Ces externalités négatives impliquent qu’il faut réguler cette industrie, tout comme on régule les entreprises nucléaires pour qu’elles ne diminuent par leurs investissements dans la sécurité pour faire plus de profits : la société pâtirait énormément des « externalités négatives »

Le débat se concentre sur les sauvetages des banques avec l’argent public («bail-outs »), alors que les conséquences des politiques de crédit sont bien plus importantes économiquement

Le problème des sauvetages des banques n’est pas tant le transfert financier des contribuables vers les banques que l’encouragement à continuer à prendre des risques trop importants. De plus, interdire les bail-outs est difficile à imposer car cela peut aggraver les ruptures du crédit.

Que faire ?

Reconnaître qu’il existe un conflit de distribution de richesse entre le secteur financier et le reste de l’économie.

  • Il n’a jamais de niveau de risque idéal pour le secteur financier, car un niveau de risque augmenté permet une espérance de gains supérieure pour les agents financiers
  • En revanche, il existe un niveau de risque qui satisfait les autres secteurs économiques en assurant une production de crédits suffisante

Quels sont les facteurs qui incitent le secteur financier à prendre plus de risques au détriment de l’économie en général? :

  • Les sauvetages (« bail-outs ») des banques
  • Les innovations financières qui étendent les possibilités de prise de risque et peuvent contourner les régulations
  • La concentration du secteur financier incite à prendre plus de risque car le sauvetage est d’autant plus probable que l’on est gros (« Too Big To Fail »)
  • Les systèmes de rémunération asymétriques (« Pile je gagne, face tu perds ») : les agents financiers gagnent plus en prenant des risques qu’ils ne peuvent perdre.

Il faut donc réguler la prise de risque des banques :

  • En augmentant les niveaux de capital nécessaires pour prêter
  • Séparer les activités à risque (trading pour compte propre, etc.) des activités de financement de l’économie
  • Limiter les dividendes qui fragilisent le capital des banques
  • Réguler les systèmes de rémunération asymétriques